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Quand la France sonnait le canon pour la fin du ramadan

Entre une pointe d’orientalisme et la volonté de raconter un islam intime et pacifique, redécouvrez le traitement du ramadan dans les médias français des années 30.

Avant l'Aïd à la fin du mois de ramadan en 1939, à la Mosquée de Paris.
Avant l’Aïd à la fin du mois de ramadan en 1939, à la Mosquée de Paris.• Crédits : Keystone-France/Gamma-RaphoGetty

L’Aïd el-Fitr, qui marque la fin du ramadan, s’annonce cette année pour le 14 juin au soir en France. Sur les réseaux sociaux ou dans les messages adressés au médiateur de Radio France, des lecteurs déplorent parfois la place accordée par les médias en général et France Culture en particulier au ramadan et à l’observance chez les musulmans. Mais saviez-vous qu’en 1935, on sonnait le canon en France pour annoncer la fin du ramadan ?

On l’apprend en parcourant Le Petit journal, et ses éditions des années 30 sur le site des archives de presse Retronews. “Un coup de canon dans les villes, le chant du marabout dans les campagnes annonceront ce soir que la période d’abstinence s’achève. Voici trente jours que, du lever au coucher du soleil, les mahométans n’ont pris aucune nourriture”, écrit le quotidien parisien dans son édition du 6 janvier 1935.

 

Républicain et conservateur, Le Petit journal disparaîtra à la Libération, en 1944, confondu pour avoir reçu des financements de Vichy sous l’Occupation. Mais une décennie plus tôt, en 1935, il fait plutôt oeuvre de pédagogie en matière d’islam, non sans une pointe d’ironie : “A la tombée de la nuit, les musulmans de Paris pourront passer à côté d’un infidèle qui mâchonne un cigare ou tire des bouffées de sa cigarette sans porter la main à sa bouche pour éviter qu’un atome de fumée y pénètre.” Mais que se passe-t-il du côté du cercle polaire, si les journées durent 23 heures, soleil de minuit oblige ? La réponse est dans l’article, qui cite les autorités de la mosquée de Paris : “Le Coran permet de prendre une moyenne car le ramadan n’est pas une épreuve inhumaine”.

Plus loin, Le Petit journal explique encore que le mouton du beiram que les musulmans tueront un peu partout en l’honneur de la fin de trente jours de jeûne, “rappelle celui que l’Ange Gabriel apporta du ciel et plaça sous le couteau d’Abraham pour sauver la vie d’Isaac”.

Il y a près d’un siècle, la presse relatait plutôt avec bienveillance ramadan et Aïd el-Fitr, peut-on découvrir en parcourant le site des archives de presse de la BNF. Il s’agit d’abord du ramadan dans le monde musulman (Algérie, protectorats et pays arabes) et pas chez les musulmans installés en France. Sirop de violette et velours vert épinard, Le Figaro racontait ainsi pour sa part avec un brin d’orientalisme mais globalement de la sympathie la fin du ramadan, trente ans plus tôt. C’était sous la plume de la Française Jeanne Puech, qui signait sous pseudo Jehan d’Ivray. Mariée à un Egyptien, elle chroniquait ainsi la fin du Ramadan en Egypte dans le quotidien français en 1906 :

C’est là le beau côté de cette religion et de ce pays extraordinaire où il semble que le soleil en brûlant les fronts réchauffe les cœurs. Plus que partout ailleurs, ici, la fête est générale, et le peuple, si misérable soit-il, a sa part de toutes les joies.

Puis la presse s’invite à la Mosquée de Paris ou chez les musulmans de France, qu’elle appelle encore parfois « indigènes ou mahométans« , mais de plus en plus « musulmans« . En 1936, Paris Soir vante ainsi « les pâtes de fruits odorantes qui circulent à la Mosquée de Paris » où le quotidien a envoyé un journaliste pour chroniquer l’Aïd.

Dans les archives radiophoniques, la toute première évocation du ramadan remonte à 1938, avec un sujet sur le mois de jeûne en Tunisie. Mais dès 1946, un reportage sonore de trois minutes raconte la fin du ramadan depuis la Mosquée de Paris, darboukas et chants religieux au micro. Malgré la piètre qualité du son qui pique un peu les oreilles, vous pouvez tout de même vous replonger dans ce document qui raconte un traitement bienveillant de l’islam par les médias à l’époque. C’était il y a 72 ans et le journaliste Claude Darget achevait son reportage sur ces mots :

Il ne me reste plus qu’à souhaiter à nos amis musulmans de Paris de pouvoir suivre fidèlement leurs préceptes religieux car si jeûner est quelque fois désagréable, ne pas jeûner reste un problème monétaire ardu

 

https://www.franceculture.fr/histoire/ramadan-dans-les-archives?fbclid=IwAR3QCLfmxhFPOPIiC_c-Uj8VWrOyYBFgOELyHXqKSUnK0vySX7PRYWNoy2k

Egalité des droits en Tunisie : De l’urgence de déconstruire les manipulations des oulémas

Le 13 août 2017, le Président tunisien Essebsi lançait un débat sur une réforme du droit de la famille visant à étendre le principe d’égalité aux femmes, en particulier en matière d’héritage et de mariage. Cette initiative a fait frémir d’horreur la frange conservatrice de la société tunisienne et l’onde de choc s’est propagée aux confins du monde musulman à tel point que « l’Union Internationale des Oulémas Musulmans », présidée par le téléprédicateur Yûsuf al-Qaradawî s’est fendue d’un communiqué de presse rappelant M. Essebsi à la raison (traduction française du Dr. O. Marongiu-Perria disponible ici). Les fondements de l’islam seraient en danger. Les ficelles grossières utilisées dans ce communiqué se révèlent typiques des manipulations quotidiennes des Ecritures commises par nombre d’oulémas et d’imâms pour maintenir une vision du monde médiévale et patriarcale qu’il est urgent de déconstruire en vue de rendre aux fidèles des marges de liberté confisquées par les développements historiques de l’islam.

 


La grande Mosquée de Kairouan (Tunisie). Elle est considérée comme la quatrième ville sainte en Islam après La Mecque, Médine et Qods. Elle abritait l'un des plus grands centres d'enseignement de la jurisprudence malékite au IX ème siècle.

La grande Mosquée de Kairouan (Tunisie). Elle est considérée comme la quatrième ville sainte en Islam après La Mecque, Médine et Qods. Elle abritait l’un des plus grands centres d’enseignement de la jurisprudence malékite au IX ème siècle.
Le 13 août 2017, le Président tunisien Essebsi lançait un débat sur une réforme du droit de la famille visant à étendre le principe d’égalité aux femmes, en particulier en matière d’héritage et de mariage. Cette initiative a fait frémir d’horreur la frange conservatrice de la société tunisienne et l’onde de choc s’est propagée aux confins du monde musulman à tel point que « l’Union Internationale des Oulémas Musulmans », présidée par le téléprédicateur Yûsuf al-Qaradawî s’est fendue d’un communiqué de presse rappelant M. Essebsi à la raison (traduction française du Dr. O. Marongiu-Perria disponible ici). Les fondements de l’islam seraient en danger. Les ficelles grossières utilisées dans ce communiqué se révèlent typiques des manipulations quotidiennes des Ecritures commises par nombre d’oulémas et d’imâms pour maintenir une vision du monde médiévale et patriarcale qu’il est urgent de déconstruire en vue de rendre aux fidèles des marges de liberté confisquées par les développements historiques de l’islam.

Généralisations abusives

Fondée en 2004 à l’initiative de quelques oulémas de renommée internationale, l’Union Internationale des Oulémas Musulmans n’hésite pas une seconde à s’exprimer au nom de la « colère de l’ensemble des musulmans [du monde] », voulant s’imposer comme interlocuteur légitime d’un débat au nom des musulmans, balayant leur extrême diversité d’une part, mais aussi invisibilisant toutes celles et ceux qui voient d’un œil favorable le type de réforme proposé par M. Essebsi d’autre part. Si d’aucuns veulent croire qu’ils ne constituent pas encore une majorité à l’échelle globale, ce que l’on peut concéder sans problème, ils ne sont plus cependant un pourcentage marginal que l’on peut continuer à écarter d’un revers de la main.

S’exprime là un topos du discours clérical islamique, à savoir une généralisation à outrance visant à délégitimer et culpabiliser toute pensée critique, toute contestation du magistère : « tous les musulmans », « l’ensemble des oulémas », « tous les Compagnons », « toutes les écoles juridiques sans la moindre exception »… Nombreuses sont les formules qui permettent à la cléricature islamique de maintenir à peu de frais sa position privilégiée de détentrice de la Vérité, quand il ne s’agit pas, purement et simplement, de masquer sa propre ignorance de la richesse de la tradition islamique classique foisonnante sur à peu près tous les sujets, des opinions les plus orthodoxes aux plus hétérodoxes, sachant que ces notions sont extrêmement labiles et que « l’orthodoxie d’une époque ne résulte que de la somme des hétérodoxies des époques précédentes » (Tareq Oubrou).

Ainsi, à titre d’illustration, un théologien comme Abû Ya’qûb al-Sijistânî, au 11ème siècle, considérait déjà comme une absurdité de croire que la race humaine aurait procédé du seul couple d’Adam et Eve en utilisant des arguments qui relèveraient aujourd’hui d’une part de la génétique et d’autre part de l’herméneutique, considérant que les Textes offrent une allégorie plutôt qu’un récit historique (H. Corbin, Trilogie ismaélienne, Lagrasse, Verdier, 1994, pp.94-6). Un millénaire plus tard, l’orthodoxie reste pourtant figée sur une conception créationniste et peu de musulman-e-s sont conscient-e-s que leur tradition a produit, bien avant Darwin, des réflexions intéressantes pour l’histoire des sciences en la matière.

Le Président tunisien Béji Caïd Essebsi

Le Président tunisien Béji Caïd Essebsi


L’enjeu du positionnement de l’Union Internationale est évidemment de rappeler les troupes à l’ordre tout en évitant de devoir se livrer à une démonstration détaillée de sa position qui risquerait de mettre à jour ses failles et ses faiblesses, comme nous allons l’exposer ci-dessous. Il est dès lors fondamental que le/a croyant-e musulman-e prenne conscience que le ressort essentiel du discours des oulémas, de l’imâm de la mosquée du coin à des « pointures » mondiales comme al-Qaradawî, repose sur l’argument d’autorité, en se dispensant la plupart du temps de tout effort d’argumentation. On invoque la tradition des savants, on cite un fragment de verset et une moitié de hadith, en n’hésitant pas, comme dans le cas d’espèce, à faire fi des circonstances de la révélation (asbâb al-nuzûl) , ou à taire les véritables questions théologiques pourtant posées par le contexte contemporain au sein duquel évoluent les musulman-e-s.

Dans les controverses, nombreux sont ceux qui se contentent souvent de ridiculiser d’une phrase l’adversaire, ses idées, voire sa personne, sans pour autant engager un dialogue de fond sur les arguments exposés. Le résultat est là : le/a croyant-e lambda, absorbé-e par le rythme de la vie quotidienne, n’a guère le temps de démonter les discours qui lui sont servis, à mettre en exergue les avis minoritaires, nombreux sur toute question, qui contredisent les généralités proposées et qui présentent une profondeur de vue qui, si elle n’a pas fait mouche du temps de son auteur-e, peut se révéler extrêmement utile pour penser notre époque. En conséquence, se perpétue et se diffuse sans grande résistance la version très réductrice, aliénante, de l’islam que nous connaissons aujourd’hui. Aliénante parce qu’elle relève d’une conception médiévale (au sens historique) du monde et de la société, en dissonance de plus en plus grande avec le vécu réel des musulman-e-s qui sont irrémédiablement partie prenante de la modernité.


L’appropriation abusive de la détention de la Vérité (Haqq) que ce communiqué est censé avoir éclaircie permet à ses auteurs, subrepticement, de mettre le Président tunisien, le mufti de la République et le Bureau des Fatwas qui le soutiennent dans une situation proche du kufr (« mécréance » dans l’acceptation contemporaine), avec tout ce que cela peut impliquer dans l’imaginaire islamiste actuel. Le communiqué n’est pas aussi direct : le terme n’est pas employé, mais son univers de sens est largement évoqué (« Sachant que la preuve lui a été faite au sujet de ce que dit réellement l’islam, le retour vers la Vérité (rujû‘ ilâ l-Haqq) est une vertu, comme c’est une obligation et un devoir (wâjib wa-farîda) »), de telle sorte qu’au-delà de la formule diplomatique, la menace est à peine voilée. La conclusion du communiqué avec le verset 4,65 achève de sceller la menace pour qui en douterait encore : s’il ne revient pas sur ces propos, le Président Essebsi ne pourra plus prétendre à faire partie des « croyants » puisqu’il n’accepterait pas le jugement de Dieu (« Mais non, par ton Seigneur ! Ils ne seront pas croyants tant qu’ils ne t’auront pas pris comme juge pour trancher leurs conflits et que, par la suite, ils n’acceptent ta décision sans aucune contrariété, en y adhérant totalement »).

A l’heure où pullulent les illuminés prétendant faire justice au nom de Dieu, on mesure le degré d’irresponsabilité ou de compromission d’oulémas prétendument respectables et qui tentent de se poser en représentants de l’islam « du juste milieu » avec l’islamisme violent dont Daesh se veut le représentant princeps. Il est raisonnable de considérer que ce communiqué ait été calibré avec soin, comme le montrent certaines formules alambiquées. Dès lors, le choix de ce verset de conclusion au lieu d’un des 6235 autres disponibles, est tout sauf une faute d’inattention, ce qui autorise à s’interroger sur la vision du monde de l’ensemble des oulémas, en Europe et ailleurs, qui ont complaisamment relayé de telles positions sans le moindre esprit critique, ni sans exprimer la moindre distance. Le théologien catholique Hans Küng rappelle à propos que c’est précisément le refus du clergé catholique de reconnaître le rôle de la raison critique, puis son interdiction et sa sévère répression qui ont fait perdre pour de nombreux siècles sa pertinence au catholicisme chez une grande partie de ses fidèles, précipitant la diffusion de l’athéisme philosophique auprès d’une large population (voir H. Küng, Dieu existe-t-il ? Réponse à la question de Dieu dans les temps modernes, Paris, Seuil, 1981, livre A : raison et foi). Enfermés dans leur certitude de la détention d’une Vérité qui devrait s’imposer par son évidence supposée, ces oulémas semblent incapables de porter la moindre réflexion de fond sur l’expérience historique d’autres communautés de foi et leurs errements, alors que, précisément, l’athéisme philosophique croît chez les musulmans pour des raisons très similaires.


Enfin, révélant au passage la confusion théologique dans laquelle semblent baigner ces oulémas, ils n’hésitent pas à tomber dans l’excès en matière de nomenclature, soit sciemment pour mobiliser de manière démagogique les émotions de celles et ceux qui prêtent une valeur à leur propos, soit par ignorance ou par convention langagière, ce qui est encore plus grave pour les membres d’une Union qui se veut représenter la crème mondiale des oulémas. Ces derniers qualifient en effet de « choses sacrées » (muqaddasât) les sujets abordés dans leur communiqué, à savoir avec qui la musulmane peut se marier et ce dont elle aurait le droit d’hériter. On est sans contexte face à une hypertrophie du sacré qui envahit tous les aspects de la société, la sursaturant dès lors d’interdits, alors que, selon le Coran lu en contexte, tant l’héritage que le mariage sont des questions profanes, d’ailleurs traitées par la tradition jurisprudentielle postérieure sous le registre des relations sociales (mu‘âmalât) et non du rite (‘ibâdât), ce qui relève proprement du sacré. Quelles que soient les motivations des auteurs de ce communiqué, il n’en reste pas moins qu’ils l’inscrivent dans une longue tradition de sacralisation abusive de tous les aspects de la vie au prétexte que Dieu en aurait parlé dans son Coran. Cela contribue à compliquer outre mesure la vie du/de la musulman-e en entretenant sciemment la confusion entre ce qui peut être considéré comme véritablement sacré et profane d’une part au sein d’une tradition spirituelle particulière, et ce qui relève de l’intention particulière dont un-e croyant-e peut enrichir son agir quotidien le plus profane en se remémorant Dieu à dessein (e.g. le fait d’invoquer Dieu avant de faire la vaisselle ne la sacralise pas, mais connecte l’action du/de la croyant-e et le temps dans lequel elle se déroule avec une dimension supérieure qui, elle, peut être sacrée).

Ce point peut paraître anecdotique, mais il n’en est rien, car c’est à force de glissements de sens de cette nature que s’organisent des reconfigurations plus ou moins importantes de la dogmatique (‘aqîda), comme on l’a vu ces deux dernières décennies, au travers de propos tels que « le foulard fait partie de ma ‘aqîda », ou encore « soutenir la libération de la Palestine fait partie de la ‘aqîda » pour prendre des registres différents. Si certaines de ces propositions émergent d’un islam populaire où les croyant-e-s finissent par tirer les conclusions quasi inévitable de cette hypertrophie du sacré, d’aucunes finissent par être cooptées et validées par des oulémas, voire proviennent d’oulémas eux-mêmes, rajoutant à la confusion ambiante, elle-même entretenue au plus haut niveau de la cléricature islamique. Confusion sur laquelle les visions et les actions les plus extrêmes et les plus violentes trouvent ensuite un terreau propice à leur justification, voire leur sacralisation.

Le mariage mixte

Les arguments relatifs au mariage de la musulmane avec un non musulman sont, à ce titre, les plus emblématiques des dérives du discours de ces oulémas.

Pour rappel, en Tunisie, la Constitution veut que le mariage civil soit ouvert à tou-te-s, sans que n’interfèrent les convictions personnelles des futurs époux, mais une circulaire datant de 1973 prescrit l’interdiction, pour la musulmane, de se marier avec un non-musulman, en s’ancrant dans la longue tradition de l’islam malékite. C’est cette dernière que M. Essebsi se propose d’envoyer aux oubliettes de l’histoire, d’autant qu’elle s’oppose à une liberté fondamentale d’importance supérieure dans l’architecture juridique tunisienne.

Pour tenter de réduire à néant l’idée même de la possibilité du mariage d’une musulmane avec un non musulman, l’Union Internationale des Oulémas Musulmans propose une opinion peu étayée, mais se voulant efficace : « Le mariage d’une musulmane avec un non musulman contredit le Coran, la tradition prophétique et le consensus de la communauté, et il n’est permis en aucune façon de transgresser cette limite. Dieu dit : « Et ne mariez pas les associateurs [aux femmes musulmanes] jusqu’à ce qu’ils croient [en l’islam] » (2, 221). Et Il dit au sujet de l’interdiction des femmes musulmanes pour les mécréants : « Elles ne peuvent leur être licites comme ils ne peuvent leur être licites » (60, 10). Les musulmans sont unanimes sur cette interdiction, les savants de la Zeitouna ont d’ailleurs promulgué une fatwa en 1950 au sujet du mariage d’une jeune fille tunisienne avec un non musulman, dans laquelle était mentionné que : « ce mariage est nul et sans fondement dans la charia, et il ne convient pas de le nommer par le qualificatif de mariage, il s’agit au contraire d’une pure ignominie. » Depuis l’époque des compagnons du Prophète jusqu’à ce jour, les savants musulmans sont unanimes sur le fait que l’identité musulmane du mari est une condition de validité du mariage de la femme musulmane » (trad. O. Marongiu-Perria, op.cit.).

Il importe de déconstruire ce qui est une véritable imposture intellectuelle qui porte préjudice aux projets de vie de milliers, voire de millions de gens de par le monde, et ce certainement en Europe où la question des mariages mixtes impliquant une musulmane reste encore épineuse, y compris pour les jeunes de la 3ème génération (voir Oubrou T., Privot M. et Baylocq C., Profession Imâm, 1ère éd., Paris, Albin Michel, 2009, p. 47 sqq et 235 sqq).

Critique discursive

Minaret de la mosquée Zitouna

Minaret de la mosquée Zitouna
Tout d’abord sur le discours lui-même : les oulémas citent le Coran, la tradition prophétique et le consensus de la communauté sans entrer dans les détails. Cette introduction vise à « bétonner » le propos et faire en sorte de présenter une unanimité transhistorique, voire transcendantale sur la question. Pourtant, il n’en est rien : nous allons revenir aux versets coraniques ci-dessous, mais il est évident que la tradition prophétique ne présente aucun hadîth sain et clair sur la question (voir article en lien ci-après). Quant au concept de « consensus de la communauté », il s’agit d’une pure forgerie sans aucune valeur en principologie du droit islamique vu l’impossibilité de prouver l’existence d’un consensus d’une communauté de foi de plus d’un milliard et demi de croyant-e-s aussi divers-e-s que varié-e-s. Seul est reconnu comme un des fondements du droit canon, et avec ses propres limitations, un ijmâ‘ (consensus) des oulémas. Pour mettre ses opposants en minorité, l’Union Internationale n’hésite pas une seconde à frauder la réalité, à l’encontre de toute éthique. Pour ce qui concerne le mariage mixte, dans son fameux tafsîr du Coran, al-Tabarî (9/10ème siècles) a dû lui-même ressortir à un propos rapporté au deuxième calife ‘Umar b. al-Khattâb interdisant supposément ce mariage, faute de pouvoir trouver le moindre hadîth à proposer (ce qui permet également de dater indirectement l’apparition de ce fameux consensus des oulémas, bien plus tardivement que ne le prétend l’Union).

Autant dire que dans la hiérarchie de la normativité islamique, ce n’est pas le fondement le plus solide. Les oulémas n’en ont cure et n’introduisent aucune nuance dans leur propos, oblitérant sciemment l’histoire de la tradition jurisprudentielle en prétendant énoncer une vérité éternelle. De même, à la fin du paragraphe, ils récidivent en prétendant qu’il y aurait consensus à propos de cette interdiction « depuis les Compagnons du Prophète ». Si l’on retire le propos attribué à ‘Umar al-Khattâb, le faisceau de preuves se rétrécit très sérieusement, mais cela permet de faire astucieusement l’impasse sur ce que le Prophète aurait lui-même pu déclarer à ce sujet, ce qui est évidemment très pratique vu l’absence de propos solidement attestés sur la question. Si les Textes (Coran et sunna) ne présentent pas d’indice clair, il sera toujours possible de trouver une opinion de Compagnon, voire, le cas échéant, une construction tardive d’oulémas, mais dont la valeur reste très circonstanciée et qui doit être remise en question à chaque époque sans qu’elle ne puisse jamais acquérir le statut de Vérité supérieure.

La citation de l’opinion d’oulémas de la Zeitouna du siècle dernier tombe à propos pour rappeler qu’un tel mariage serait « pure ignominie », et enfoncer le clou de la culpabilité dans l’esprit de tout qui s’aviserait de vouloir penser à rebours de cette vérité. Le procédé est violent mais redoutablement efficace. La rhétorique contre l’intelligence, la menace contre le travail de conviction : une cléricature qui n’a plus que la commination pour faire respecter son orthodoxie est un signe clair de l’effondrement de sa pertinence auprès de ses fidèles. Il est crucial d’en tirer les conclusions qui s’imposent.

Retour impératif du Coran

Au contraire de l’Union Internationale des Oulémas Musulmans qui, sûre de son coup, se contente de citer deux versets tronqués en estimant que cela les absout de tout effort d’argumentation et de clarification, il importe de se remémorer le contexte de la révélation.

La société à laquelle s’adresse le Coran est une société tribale et segmentaire au sein de laquelle les femmes – même libres – ne valent guère mieux qu’un bien mobilier, une force de travail et de reproduction, un bien d’échange servant à forger des alliances entre familles, entre clans et tribus pour se garantir la paix ou des droits de passages sur les territoires contrôlés par d’autres clans ou tribus (voir R. Benzine et I. Saïdi, Finalement, qu’est-ce qu’il y a dans le Coran ?, Paris-Bruxelles, La Boîte à Pandore, 2017). La sîra (histoire prophétique) témoigne également que le Prophète s’inscrivait lui-même pleinement dans la logique des mariages visant à consolider des alliances à portée politique, inter-clanique, voire inter-religieuse.

Dans cette société, seuls contribuent au prestige d’un homme ses fils et ses troupeaux (al-mâl wa-l-bunûn zînatu l-hayati l-dunyâ, comme en atteste le Coran lui-même au verset 18,46). Pas ses épouses, ses filles ni ses esclaves. On remarquera également dans les versets qui seront traduits in extenso ci-dessous que, lorsque le Coran établit des droits et des devoirs symétriquement pour les hommes et les femmes, il ne s’adresse pourtant qu’aux hommes, jamais aux femmes (cf. « mariez » contre « donnez en mariage »), ce qui est un reflet de leur position effective dans cette société.

Dans ses carnets de voyage auprès des bédouins du Pays de Moab (Est de la Mer Morte) au tournant du 20ème siècle, Antonin Jaussen apparaît comme un témoin privilégié d’une telle société segmentaire qui n’a pas encore été profondément modifiée par la modernité. Ainsi, les filles n’entrent qu’avec parcimonie dans la représentation d’une ahl (famille de base, p.11) ; si les hommes d’une lignée sont identifiés et comptés à l’unité, ce n’est pas le cas pour les femmes qui restent anonymes en quelque sorte (p.15). Les dictons locaux y compris reflètent sa condition de force de (re)production : « Femme la nuit, ânesse le jour » (p.16 in Coutumes des Arabes au Pays de Moab, Paris, Adrien Maisonneuve, 1948).


Enfin, dimension fondamentale, le leitmotiv du Coran est de proposer une nouvelle alliance avec Dieu et son Prophète (voir J. Chabbi, Les trois piliers de l’islam, Paris, Seuil, 2016). La racine ’MN (qui donne îmân, mu’min et leurs dérivés, compris depuis l’époque classique comme relevant du champ de la croyance et de la foi suite à une transposition dans un autre univers culturel) est une des plus utilisée du Coran avec 879 occurrences. Ce concept qui structure d’évidence la pensée coranique renvoie en fait au champ sémantique de l’alliance, du ralliement plein et entier à Dieu et à son Prophète – à un Dieu non pas pasteur comme dans le judaïsme, mais « super chef » de tribu qui guidera ceux qui se rallient à Lui jusqu’à la bonne destination en multipliant les signes (âyât) le long des pistes de l’existence. C’est en ce sens que Dieu lui-même se déclare mu’min dans le Coran : Il est l’autre terme de l’équation : l’allié de ceux qui s’allient à Lui, l’Allié par excellence, qui pourvoit, nourrit et protège ceux qui le rejoignent (Dieu en effet ne peut être « croyant » ou « avoir la foi », problème sur lequel a longtemps butté une théologie lisant son Texte hors de son contexte anthropologique et sociétal). Cette alliance (îmân) semble avoir eu une dimension plus sociale que véritablement théologique : les Gens du Livre (Ahl al-Kitâb, traditionnellement interprétés comme les juifs et les chrétiens), mais aussi ceux qui reçurent un écrit surnaturel (Kitâb) avant vous (Cor. 4, 131 qui élargit plus encore le nombre de peuples, en cohérence avec la tradition qui veut que chacun aurait reçu un messager particulier) sont des mu’minîn, des alliés potentiels tant qu’ils ne recouvrent pas les signes de Dieu et se refusent d’être reconnaissants envers ses bienfaits (les kuffâr au sens propre) ou ne finissent par Lui associer des alliés surnaturels (les mushrikûn).

Le mushrik, l’associateur, c’est donc celui qui postule un réseau d’associations surnaturelles entre différentes divinités ou êtres surnaturels dont faisait partie, à l’origine, le Dieu de Muhammad (le Seigneur mecquois dont il est question au début de la révélation (Rabb hâdhâ l-Bayt, Cor. 106,3)). Le mushrik cherche ainsi à établir des pactes avec ces divinités en espérant soutien et intercession auprès de Dieu qui affirme pourtant que cette dernière ne leur servira de rien (Coran 34,23). En contexte coranique, les mushrikûn et les kuffâr par excellence sont les Mecquois auxquels Muhammad n’aura de cesse de s’adresser, ceux qui l’ont banni, qui ont rejeté la nouvelle alliance qu’il leur proposait et qui aurait dû leur apporter fortune et leur éviter le châtiment divin, susceptible de s’abattre sur eux à tout moment.

C’est précisément au sein de cet univers de sens relatif à l’alliance qu’il faut lire et comprendre les quelques versets relatifs au mariage que l’on qualifie aujourd’hui de « mixte ». Alliance avec Dieu et son Prophète d’une part, mais aussi alliance politique et sociale entre tribus et leurs alliés/associés surnaturels – un élément qui prend d’autant plus d’importance que le verset 60,10 fut révélé, selon la tradition, après le Pacte de Hudaybiyya en 628. Ce dernier statuait entre autres que les musulmans médinois devaient renvoyer à La Mecque tout-e futur-e transfuge qui n’aurait pas eu l’accord de son protecteur (walî), ce qui permet d’éclairer le propos coranique.

Le verset 2,221 peut se traduire ainsi : « Ne mariez pas celles qui prêtent des associés à Dieu (mushrikât) tant qu’elles ne se sont pas ralliées (à Dieu et à son Prophète, mu’minât). Une esclave ralliée est meilleure qu’une associatrice, même si celle-ci vous émerveille. Ne donnez pas (vos femmes) en mariage à ceux qui prêtent des associés à Dieu tant qu’ils ne se sont pas ralliés. Un esclave rallié est meilleur qu’un associateur, même si celui-ci vous émerveille. Car ceux-là appellent au feu (solaire, nâr), tandis que Dieu appelle au Jardin et au pardon, par Sa permission. Il rend clair ses signes aux gens, peut-être se rappelleront-ils ? ». (Il convient de noter au passage toute la morgue sociale que le Coran reproduit, sans aucunement la contester, dans son argumentaire : il s’adresse à des hommes libres qui ne sont sensés se marier qu’avec des gens de même statut social. Se marier avec un associateur ou une associatrice serait une déchéance sociale pire que le mariage avec un-e esclave (fut-il/elle musulman-e). Attention de ne pas lire de manière anachronique un appel à préférer la foi sur le statut social en matière de mariage, il s’agit d’un discours d’exhortation et de contrôle social, pas d’un manifeste pour l’abolition de l’esclavage).

Quant au verset 60, 10, il déclare : « O vous qui vous êtes ralliés (à Dieu et à son Prophète, al-ladhîna âmanû), si des femmes ralliées (mu’minât) arrivent à vous, émigrantes (de la Mecque), soumettez-les à un test. Dieu est parfaitement informé de leur ralliement. Si vous les reconnaissez comme ralliées, ne les renvoyez pas chez les kuffâr (ceux qui refusent les signes de Dieu, les Mecquois précisément). Elles ne leur sont plus licites, comme ils ne leur sont plus licites. Rendez-leur ce qu’ils ont dépensés (la dot). Il n’y pas de faute pour vous à les prendre en mariage, pour autant que vous leur donniez leur part (une dot).


Mosquée al Nabawi à Médine.

Mosquée al Nabawi à Médine.
Ne vous agrippez pas à vos liens avec les femmes qui refusent les signes de Dieu (kawâfir) : demandez ce que vous avez dépensez (pour les marier) et qu’ils (les kuffâr) demandent ce qu’ils ont dépensés également. Ceci est la décision de Dieu. Il juge entre vous et Dieu est Omniscient et Sage ».
Il est frappant de remarquer que l’interdiction de mariage mixte avec des associateurs/trices concerne tant les hommes que les femmes, de manière symétrique. Pourtant, la tradition jurisprudentielle et les croyances populaires vont juste retenir qu’il est licite pour le musulman d’épouser des femmes « des Gens du Livre », et interdire tout mariage de cette nature pour la musulmane.
Il est évident que les oulémas ont procédé par une lecture tronquée et doublement abusive du Coran :
(1) la négation du contexte de la révélation : Muhammad tente de mettre sur pied, à Médine, une nouvelle alliance centrée sur sa personne et son Seigneur, qui devrait prendre le pas sur les alliances tribales et claniques traditionnelles, sans pour autant pouvoir faire fi de l’immense pouvoir structurant de ces alliances et relations entre familles, clans et tribus au sein de sa société. Il doit composer avec sa réalité et prendre en compte, en quelque sorte, deux niveaux d’alliance : « verticale » avec Dieu d’une part, et « horizontale » entre les hommes et leurs structures familiales d’appartenance. Le verset 60,10 témoigne du fait que des hommes musulmans (voire des femmes musulmanes) étaient encore marié-e-s avec des associateurs/trices à Médine sans que cela n’ait, semble-t-il, posé de problème majeur. Certains divorceront après l’annonce de ce verset d’après la tradition. En résumé, il s’agit pour le Coran de clarifier les alliances et les allégeances pour unifier cette communauté naissante autour de Muhammad et diminuer les risques de défection et de trahison potentielles, toujours susceptibles de mettre en grave danger cette communauté encore relativement faible et entourée d’adversaire hostiles et résolus. Il ne s’agit donc pas ici de questions fondamentalement théologiques, ou de savoir en quoi ou qui les contemporains du Prophète croyaient vraiment, mais qu’elles étaient leurs allégeances. Plus que de dogmatique, il s’agissait de stratégies de survie.
(2) Une double assimilation sémantique catastrophique qui va à l’encontre du Coran lui-même : d’une part entre mu’min et muslim : à savoir que ne seraient plus « mu’min » que les seul-e-s musulman-e-s à l’exclusion de tous les autres peuples ayant reçu un écrit surnaturel (kitâb), et en particulier des juifs et des chrétiens qui font pourtant coraniquement partie des mu’minîn (or les versets cités ne parlent à aucun moment des musulman-e-s (muslim-a), mais des rallié-e-s (mu’min-a)) ; et d’autre part entre mushrik-a et kuffâr/kawâfir et ahl al-kitâb, à savoir entre associateur/trice et dénégateur/trice des signes de Dieu avec les Gens du Livre (chrétiens et juifs a minima). En effet, l’Union Internationale des Oulémas Musulmans, en prétendant dire que la musulmane ne peut se marier qu’avec un musulman, prétend que tout qui n’est pas musulman est d’office mushrik ou kâfir, ce qui constitue une lecture tellement restrictive du Coran qu’elle en devient malhonnête, d’autant que le contexte coranique renvoie sans équivoque aux Mecquois dits « polythéistes », même si ce terme n’est pas des plus appropriés pour qualifier leur probable manière de croire. En tous cas, de tels détournements de sens sont particulièrement graves pour des oulémas qui prétendent assurer la guidance d’une communauté spirituelle globale.
Un véritable travail de théologien aurait consisté à reconnaître que rien ne s’oppose coraniquement, ni dans la tradition prophétique au mariage d’une musulmane avec, au minimum, une personne relevant des communautés ayant reçu un livre auparavant, comme le démontre d’ailleurs l’analyse très fine du Dr. Al-Ajamî.


Egalité des droits en Tunisie : De l’urgence de déconstruire les manipulations des oulémas
Un tout autre chantier serait de s’interroger sur ce qu’est un « mushrik » au 21ème siècle, à l’heure où l’associationisme auquel faisait référence le Coran, présent au début du 7ème siècle à l’Est de la Péninsule arabique, a définitivement disparu ainsi que la société qui le portait. Plus largement encore, comment peut se réfléchir l’alliance avec Dieu (îmân) et avec les hommes dans nos sociétés modernes ? Repose-t-elle désormais sur la foi, sur l’apparentement familial et clanique, sur l’allégeance à un projet collectif et/ou à Dieu ? (M. Privot, Eléments d’une théologie islamique de la diversité, Revue Politique, à paraître novembre 2017). Dès lors que les conditions sociales et politiques qui ont mené à la promulgation de ces versets relativement restrictifs sur les opportunités matrimoniales des musulman-e-s ont disparu, ces restrictions sont-elles encore opportunes et valides ?

Un vrai travail théologique consisterait également à reconnaître que cette interdiction du mariage mixte pour la musulmane résulte de la projection sur le Texte – jusqu’à effectuer un retournement radical de sa signification première – des conceptions profondément patriarcales des oulémas médiévaux qui ont « fondé » ce fameux consensus. Ce faisant, ils ont sacralisé une anthropologie médiévale spécifique qui constituait la femme en un être sans aucune agencéité, toujours soumise au vouloir de son mari et des hommes de son clan, mineure à vie, dont la sexualité doit être domestiquée et dont la circulation ne peut avoir lieu qu’au sein d’un marché matrimoniale exclusivement endogène (cf. l’idéal du mariage de la bint al-‘âm, la fille de l’oncle paternel dans sa formule la plus exclusiviste), supposément garant de la cohésion et de l’identité du groupe (et par extension de la culture et de la société). D’aucuns n’hésiteront pas à rajouter, transposant au sein de la famille la conception impériale d’un islam nécessairement dominant, que celui-ci ne peut en aucun cas être dominé, ce qui serait le cas si une musulmane épousait un non musulman – la transformant du coup en étendard de l’islam. Partant, on peut comprendre que des oulémas médiévaux, en contexte de croisades, soient parvenus à la conclusion qu’il est interdit à la musulmane d’épouser un non musulman. Le droit malékite, à la base du droit de la famille dans les pays maghrébins, semble avoir été le plus intransigeant en la matière, avec l’impact que l’on constate au quotidien au sein des familles quant à la question de l’éventualité d’un mariage mixte.

A l’heure où les représentations sociétales de la femme ont profondément changé, y compris dans les pays traditionnellement musulmans, où elle a acquis de haute lutte son droit à l’indépendance (avec des variations notables, certes), et où son agencéité, son autonomie et son pouvoir de décider de sa vie lui sont légalement reconnus (même s’ils sont parfois niés par la culture et la tradition), la théologie islamique et la jurisprudence qu’elle oriente ne peuvent décemment plus continuer à promouvoir sans le questionner une vision du monde et de la société, en particulier de la femme, ancrée dans une anthropologie désormais révolue. L’urgence théologique consiste précisément à souligner le fait que cette sacralisation n’est qu’une construction sociale historiquement située (et donc critiquable et réversible) visant principalement – sous couvert de religion et de sacré – à garantir à l’homme une série de privilèges, dont un marché matrimonial préservé de toute concurrence externe n’est pas le moindre.


Dès lors que les constitutions et législations civiles des pays européens en tous cas, et de la plupart des pays traditionnellement musulmans, offrent des garanties suffisantes de protection des libertés individuelles, y compris en matière de liberté de conscience et de culte, et ce y compris à l’intérieur d’un couple, et qu’elles garantissent aux époux/ses qui se sentiraient lésé-e-s des protections et des droits de recours, cette interdiction religieuse du mariage de la musulmane avec un non musulman n’a plus aucune raison d’être – d’autant que le Coran lui-même ouvre déjà à de tels mariages avec l’ensemble des ralliés (parmi les gens du livre). Paradoxalement, dans une fatwa qui avait fait sensation à l’époque, le Conseil européen pour la fatwa et la recherche, présidé par le même Yûsuf al-Qaradawî, avait affirmé que rien n’empêchait une femme mariée qui se convertirait à l’islam de demeurer avec son époux dès lors que leur mariage est fondé sur l’entente et le respect réciproque. Déjà à cette occasion, nombreux/ses étaient celles et ceux qui avaient souligné une contradiction inhérente entre cette autorisation et l’interdiction pour la musulmane de contracter un mariage similaire – y aurait-il des agencéités différentes pour la musulmane convertie et la musulmane « de naissance » ? Certains mariages créeraient-ils des pratiques différentes de respect et d’entente mutuelle entre les époux ?

On le voit, sur ce sujet comme sur tant d’autres, le paradigme herméneutique et jurisprudentiel islamique traditionnel atteint ses limites de fonctionnement. Ses contradictions internes deviennent de plus en plus visibles et difficiles à gérer dans un monde globalisé, connecté et dont l’anthropologie évolue à toute vitesse, augmentant la dissonance avec l’épistémè (au sens foucaldien) islamique médiévale, voire même de l’Antiquité tardive à laquelle le Coran s’adressait au premier chef, et au sein de laquelle les oulémas classiques ont opéré.

L’Union Internationale des Oulémas Musulmans a préféré le rappel à l’ordre et la perpétuation non critique d’une conception médiévale de l’être humain qu’elle s’obstine à sacraliser au passage. Elle use en outre de procédés rhétoriques intellectuellement malhonnêtes pour emporter une adhésion émotionnelle au lieu d’ouvrir un débat de fond sur des questions qui orientent la vie de millions d’individus, femmes et hommes, qui tentent de bâtir une société inclusive et respectueuse en partant de leur engagement personnel et amoureux. Nous connaissons tou-te-s des histoires tragiques de vies brisées ou rendues impossibles à cause de cette supposée interdiction du mariage mixte pour la musulmane, voire pour le musulman selon certaines traditions. Aux oulémas qui se targuent de guidance et d’interpréter la parole de Dieu, il conviendra de rappeler, en temps voulu, leur responsabilité personnelle dans ces millions de destins tragiques pour avoir refusé d’agir en véritables théologiens et préféré la continuation du contrôle social du corps et du destin de la femme musulmane plutôt que son émancipation, la reproduction d’une tradition patriarcale plutôt que l’exploration, à la lumière de leur foi, des nouveaux horizons qu’ouvrent nos sociétés plurielles.


Quant aux musulmanes et aux musulmans qui souhaitent s’engager dans un mariage interconvictionnel, qu’ils/elles prennent leurs responsabilités sans culpabiliser et aillent de l’avant avec l’élu-e de leur cœur. Personne n’est né pour être l’étendard d’une religion ou d’une idéologie. Notre mission sur Terre n’est pas de produire des enfants qui perpétueront une foi, une religion, une croyance particulière, mais de poursuivre nos rêves, en tous cas ceux qui nous permettent d’être en accord avec nous-mêmes, de répandre du bien et du beau autour de nous, et nous apportent une certaine félicité. Des gens quitteront l’islam, d’autres y rentreront – indépendamment de nos choix de vie personnels et de l’éducation que nous proposerons à nos enfants. Le destin d’une religion n’a pas à être au centre de nos préoccupations vitales : si une religion finit par s’éteindre faute de fidèles, c’est qu’elle a perdu toute pertinence pour son temps. Par contre, si une chose est attendue de chacun-e d’entre nous, c’est d’envisager avec l’élu-e de notre cœur nos projets de vie : quelle place y auront nos croyances respectives, nos pratiques religieuses (ou pas) et ce que l’on considérera important de transmettre à nos enfants si l’occasion se présente, les concessions que chacun-e devra faire (ou pas) par loyauté familiale ou à sa tradition, et ce que chacun-e sera prêt-e à négocier pour faire fonctionner un foyer interconvictionnel. Le reste ne regarde que chacun-e d’entre nous (et son Seigneur le cas échéant).

Dr. Michaël Privot
Islamologue
Auteur de « Quand j’étais Frère musulman », parcours vers un islam des lumières, Paris-Bruxelles, La Boîte à Pandore, 2017.

L’islam a perdu le chemin vers Dieu

Michaël Privot est un islamologue reconnu, et un des meilleurs connaisseurs de l’islam en Belgique. Né à Verviers en 1974, converti à l’islam aux portes de la vingtaine, il a longtemps cheminé avec les Frères musulmans avant de s’en détacher. Il livre son expérience dans un livre intitulé « Quand j’étais Frère musulman ». On y découvre son parcours et sa recherche d’un islam des lumières.
La confrérie des Frères musulmans, fondée en 1928 en Égypte par Hassan El-Banna, charrie de nombreuses craintes. Comment définir ce qu’elle est ?
La confrérie n’est pas qu’un mouvement structuré. Pour comprendre ce qu’elle est, pour comprendre les liens entre ceux qui la composent, je préfère m’appuyer sur le terme de matrice idéologique qu’emploie la sociologue de l’UCL Brigitte Marechal. Au sein de cette matrice idéologique, on découvre des mouvements structurés que sont l’UOIF, l’Union des organisations islamique de France, ou de la LMB, la Ligue des musulmans de Belgique. On retrouve aussi certains partis politiques comme au Yémen ou au Koweït. Ces organisations font partie du canal historique qui se reconnaît dans l’héritage de Hassan El-Banna. Autour de ce canal historique existent d’autres mouvements qui ne se définissent pas comme Frères musulmans, mais qui sont inspirés par l’idéologie frériste. Si on prend Tariq Ramadan par exemple, il va dire qu’il n’est pas frériste, mais il se considère comme étant l’héritier le plus légitime de son grand-père qui était El-Banna, le fondateur de la confrérie. Il est donc dans la rénovation de la matrice. Idem pour l’organisation turque Milli Gorus. Ses membres ne se diront pas fréristes, mais ils sont sur une ligne absolument identique en termes de vision politique de la société.
Partagent-ils cependant une même conception de la foi et de la société ?
Ils prônent un même retour aux fondements de la religion que sont le Coran et la Sunna. Après, ils laissent chacun très libre. En fait, ils veulent éviter de se diviser sur une conception stricte de la foi. Ce qu’ils ont développé par contre, et c’est ce qui les rassemble, c’est la volonté de propager une pratique religieuse agissante. Une pratique religieuse qui permet de rendre la société meilleure et plus juste de leur point de vue. Les Frères regardent avec dédain les quiétistes qui enferment la pratique de la foi dans la sphère privée. À quoi bon avoir la foi, disent-ils, si c’est pour rester chez soi à ne rien faire. Les Frères musulmans souhaitent participer à la transformation sociale en s’appuyant sur leur foi. On les retrouvera donc très actifs dans l’associatif, dans la lutte contre les injustices sociales, contre les discriminations, et dans la défense des musulmans. Les Frères sont ainsi devenus les syndicalistes de l’identité musulmane en Europe.
Ont-ils un plan caché pour islamiser les sociétés occidentales ? C’est ce que l’on entend souvent.
Je n’ai jamais lu un seul document qui évoquait un plan caché pour islamiser l’Europe. Je ne dis pas que cela n’existe pas, mais après avoir fréquenté de nombreux responsables internationaux, et après avoir participé à des assemblées générales de la Fédération des organisations islamiques en Europe, qui est la grande coupole des associations fréristes en Europe, je peux dire que je n’ai rien vu, entendu ou lu de tel. Si un tel plan existe, alors il ne se propage que dans des cercles extrêmement restreints.
Existe-t-il un modèle de société qui est l’eldorado rêvé des Frères ? Le communautarisme anglo-saxon par exemple ?
Oui, les facilités de pratique telles qu’elles existent en Angleterre sont un modèle pour les Frères. Mais pas que pour eux. Sinon, dans le gros des troupes, il n’y a pas de réelle pensée politique. Certains estiment sans doute qu’une société qui serait régie en fonction des codes de la charia serait une société idéale, mais personne n’a réfléchi sur le comment y parvenir ni comment elle fonctionnerait. Il n’y a pas de réelle réflexion à ce sujet. On l’a d’ailleurs vu en Égypte quand Morsi est arrivé au pouvoir. En matière de gouvernance les Frères n’étaient pas du tout prêts. Ceux qui sont allés un peu plus loin dans la réflexion ce sont les dirigeants tunisiens du Nahda, mais pour la plupart des Frères, il n’y a pas de vision de ce que devrait être une société idéale. Du coup, le côté très pragmatique des Frères en est sans doute une des conséquences. Quand on n’a pas de pensée idéologique établie, chacun bricole en fonction des circonstances locales. En France, des Frères sont parfois des soutiens de l’extrême droite, de la droite, de la gauche ou de l’extrême gauche.
Comment qualifier l’influence des Frères en Belgique ?
Si on évoque leur influence politique, je retiens qu’à l’époque où j’y étais, jusqu’en 2012, il y avait une soixantaine de frères « canal historique » en Belgique. Si on compte 760 000 musulmans dans le pays, vous reconnaîtrez que 60 ce n’est rien, même s’ils sont actifs dans la société. Si je dois compter leurs mosquées, j’en compte quatre. Une à Verviers, une à Liège, une à Bruxelles et une à Gand. Par contre, si on envisage la matrice, cela commence à faire du monde. Mais entre eux, il n’y a pas vraiment de liens, chaque groupe travaille en silo, pour son compte. Si on considère la matrice, on peut donc dire que l’influence est large, mais que ce n’est pas l’influence des personnes, mais plutôt de leurs idées.
En Belgique, sont-ils en concurrence avec d’autres mouvements ?
Aujourd’hui, pour les Frères, l’ennemi numéro un ce sont les salafistes qui leur taillent des croupières et qu’ils considèrent comme détruisant ce qu’ils essayent de faire en matière de citoyenneté responsable. Entre eux, existe donc un combat en termes d’idéologie et de vision de la société. D’un côté, on retrouve les salafistes qui sont sur une position de retrait de la société, et de l’autre on découvre les Frères qui disent qu’il faut être dans la société, et agir pour la changer tout en restant tel que l’on est. En termes de théologie par contre, les Frères ont été massivement influencés par la pensée salafiste (voir la vidéo ci-dessus).
La pensée théologique des Frères peut-elle offrir un terreau favorable au djihad violent ?
Ma position était de dire non, car les Frères ont très vite renié des penseurs du djihad violent tels que Sayyid Qutb, un ancien Frère qui a théorisé le djihad armé avec le takfirisme. Pour autant, un professeur qui a lu mon livre m’a mis sous les yeux des épîtres de Hassan El-Banna qui évoquaient le djihad comme sixième pilier de l’islam. Je relativiserais donc ma réponse, même si je me demande toujours quelle est la réelle influence des épitres de El-Banna sur les Frères au quotidien.
Vous avez formalisé votre départ des Frères en 2012. Vous évoquez dans votre livre de multiples raisons. Une des plus importantes semble être l’absence d’esprit critique notamment au regard de la théologie au sein de la Confrérie.
Oui, cela a beaucoup joué. S’il y avait eu un aggiornamento critique au sein des Frères en Belgique, je serais sans doute resté un peu plus longtemps. Mais quand je vois ce qu’est la réalité des Frères dans des pays où ils sont plus structurés, je pense que je serai de toute façon parti assez vite. L’autorité débile a toujours été un problème pour moi…
Votre trajectoire personnelle est très particulière. Quand vous regardez en arrière, qu’est-ce qui était la soif qui, a vingt ans, vous a porté vers l’islam ?
Je pense que j’avais la foi depuis longtemps, mais que je ne le reconnaissais pas, et que je ne savais pas quoi en faire.
Mais que veut dire « avoir la foi » ?
C’est ce que j’appelle le vague soupir de l’âme. Une soif en une transcendance. L’impression qu’il y a quelque chose d’autre, que le monde n’est pas limité à ce que l’on en voit. La foi c’est aussi pour moi cet élan vers le beau, le pur, vers quelque chose qui nous élève.
Et pourquoi vous être tourné vers l’islam et pas vers le catholicisme par exemple ?
Je n’étais pas dans une famille où il y avait une foi vivante. J’étais donc un peu seul. J’ai été voir le curé qui m’avait baptisé. C’était un homme très accueillant et ma rencontre avec lui m’a permis de balayer beaucoup de préjugés sur l’Église. Mais ces préjugés étaient encore trop forts. Le bouddhisme me paraissait trop éloigné de ma culture d’origine, et le judaïsme est très difficile d’entrée. Je continuais donc à chercher lorsque j’ai commencé à étudier l’arabe à Liège, en vue notamment d’une carrière diplomatique. C’est là que l’on m’a dirigé vers un professeur de religion islamique. Sa rencontre a été déterminante. Il m’a mis devant mes responsabilités en me disant que j’avais la foi. C’était ce que j’avais besoin d’entendre. J’ai alors lu des ouvrages de gnose, de philosophie islamique. À l’époque nous étions en 1993, dans un autre monde, et l’islam s’est présenté à moi comme une « terra incognita ». J’y retrouvais ce côté assez libre d’accès à la foi et à Dieu, sans trop de médiations humaines. Ce que je découvrais aussi de l’islam, c’était le soufisme, et puis cette gnose très intellectuelle qui me démontrait que la foi ce n’était pas juste un truc simple du mec qui ne connait rien à la vie. Que la foi, cela nourrissait autant l’esprit que le cœur. C’est alors que je me suis lancé.
Sans jamais revenir vers d’autres religions ?
À l’université, j’ai pris tous les cours possibles sur l’histoire du christianisme et des autres religions. Cela a été extraordinaire. J’ai découvert la spiritualité rhénane, je me souviens aussi avoir été extrêmement impressionné par le souffle des Évangiles. J’ai trouvé cela très vivifiant, et cela m’a conforté dans cette conviction que beaucoup de chemins mènent à Dieu.
Vous proposez un rapport très individuel à la foi. Pourquoi alors ne pas avoir puisé un peu partout, en prenant ce qui vous parlait ? Pourquoi vous être maintenu dans le seul islam ?
Durant une période, j’ai essayé de faire un melting pot entre différentes spiritualités. Je suis même passé par l’ésotérisme où j’ai vécu de très difficiles expériences. Cela m’a raffermi dans l’idée qu’il y a trop de faux dieux qui pullulent aujourd’hui. Je me suis dit que m’inscrire dans une tradition était important. La tradition est un chemin qui a été éprouvé et qui offre des repères. C’est une façon de se prémunir contre ceux qui abusent de notre crédulité. Avoir des balises, se reposer sur des auteurs, qui nous permettent ensuite de faire quelques détours tout en les gardant à l’œil, me paraît être le chemin le plus sûr. Désormais cependant, ma démarche, avec d’autres, est celle de refonder tout cela dans l’islam. J’ai envie de me dire que l’on est rentré dans la maison, et que tout en gardant son cadre, on refait tout à l’intérieur.
Et pourquoi l’islam ? Que vous apporte-t-il de propre ?
Je suis très rétif à l’idée d’autorité, et à la pensée prête à porter. L’islam m’offre cet espace de création, de réinterprétation. Les bords de son chemin sont plus éloignés que dans d’autres traditions, moins contraignants que ce que je peux ressentir autre part. De plus, je maîtrise l’arabe qui a pour moi une portée mystique que je trouve extraordinaire. Enfin, au niveau théologique, j’aime ce Dieu lointain et en même temps très proche qu’offre l’islam.
Vous récusez la vision d’un Dieu « super héros ». Mais comment définir Dieu ? Dans l’islam, un tel exercice semble difficile.
La réponse qui me convient le plus aujourd’hui est celle proposée par la théologie doublement apophatique. En gros, elle dit que Dieu est indicible. Qu’il n’est ni être, ni non-être. On ne peut rien en dire, mais en même temps il reste proche de nous en étant dans ce non-temps, ce non-lieu… Cette conception rejoint cet élan vers la beauté et vers la lumière que je ressens.
Comment prier un Dieu indicible ? Un Dieu qui n’est pas une personne comme dans le christianisme ?
La prière, on l’approfondit tous les jours. Traditionnellement, il y a la première communication liturgique qui se fait par la récitation de la parole de Dieu, le Coran. À travers l’arabe notamment, cette récitation nous rapproche de Dieu, en nous mettant dans une parenthèse de temps sacré. Après, quand on est dans une prière d’invocation, la prière devient du « tu » et du « vous », mais sans image. Dieu est là en nous, « Plus proche de toi que ta jugulaire » dit le Coran, et on tente de le découvrir dans l’intime de nous-mêmes.
Quand on observe un musulman prier, on a l’impression qu’il n’accomplit qu’une simple récitation, qu’une simple succession de gestes. La prière n’est donc pas que cela ?
Le problème c’est que ce dont je parle, on va le retrouver dans certains mouvements soufis par exemple, mais très peu dans les mosquées aujourd’hui. Ce qui est transmis dans la plupart des mosquées, c’est de la gestuelle et de la récitation. Rien d’autre. Alors que les mosquées pourraient être des lieux d’éveil spirituel, le discours qui y est délivré est très scolastique, très sec.
Mais pourquoi ont-elles tant de succès alors ?
Parce que beaucoup de croyants sont malgré tout dans une recherche de spiritualité. Mais la seule chose qu’on leur donne c’est cette orthopraxie, c’est-à-dire la simple exécution d’actions. C’est comme si on ne sait plus comment faire pour rencontrer Dieu et qu’on dit aux musulmans : « faites tout ce que l’on vous dit et vous obtiendrez le salut ». Plutôt que de rencontrer Dieu, on essaye de le mériter. Or, ce n’est pas l’orthopraxie qui sauve. Seule la grâce sauve. Il y a donc au sein de l’islam une profonde fracture spirituelle. L’islam a perdu le chemin vers Dieu.

fracture spirituelle. L’islam a perdu le chemin vers Dieu.

 

L'islam a perdu le chemin vers Dieu dans actualités
Michaël Privot est un islamologue reconnu et un des meilleurs connaisseurs de l’islam en Belgique. Né à Verviers en 1974, converti à l’islam aux portes de la vingtaine, il a longtemps cheminé avec les Frères musulmans avant de s’en…
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Sécrétions et excrétions durant le jeûne

 
Durant le jeûne, tous les émonctoires du corps humain sont utilisés afin de libérer les toxines: la salive, le suc gastrique, la bile, les sucs pancréatique et intestinaux, la transpiration, le mucus, l’urine …

Shelton écrit :

La salive

« La salive est très diminuée. La salive passe, au cours du jeûne, de son alcalinité normale à un état neutre ou légèrement acide. Elle revient alcaline au retour de la faim ou après la reprise alimentaire.

Dans certains cas, la salive devient infecte et possède un goût très déplaisant qui cause même, parfois, des vomissements. Dans certains cas elle peut être épaisse, gluante, transparente, gélatineuse, visqueuses et ensuite grise, jaunâtre, verdâtre et même semblable à du pus. »

 

Le suc gastrique

« La sécrétion du suc gastrique est continue pendant la plus grande partie du jeûne, mais sa quantité est fortement diminuée et elle est d’un caractère faiblement acide. Parfois sa sécrétion peut être stimulée par les facteurs habituels responsables de la ‘sécrétion psychique’.

Dans les cas d’hyperacidité gastrique, le malaise gastrique continue et peut même augmenter pendant les trois ou quatre premiers jours de jeûne. L’hypersécrétion cesse cependant bientôt; le malaise diminue et finalement cesse entièrement, et après quelques jours supplémentaires de jeûne, l’alimentation peut etre reprise sans causer, cette fois, de douleur. Aucun autre moyen ne peut supprimer l’hyperacidité de façon aussi rapide et aussi sûre… D’autre part, j’ai vu quelques malades qui vomissaient en rejetant du suc gastrique, alors que le jeûne était en cours depuis deux ou trois semaines, ou même davantage. » (Shelton)

 

la bile

« La sécrétion de la bile se poursuit habituellement pendant les premiers jours de jeûne. En fait, elle peut être sécrétée en quantités supérieures. Dans certains cas où l’organisme est très encrassé, la sécrétion de la bile augmente beaucoup, soit pendnt les premiers jours du jeûne, soit pendant son déroulement. Il est probable qu’elle soit envoyée dans l’estomac où elle cause des nausées et des vomissements.

Pendant le jeûne on constate souvent une cholerrhagie abondante (écoulement de bile) explulsée par les intestins ou par des vomissements… Normalement, la bile n’est déversée que dans les intestins que pour répondre à un besoin de la digestion. Elle est déversée quand le chyme quitte l’estomac et se déverse dans le duodénum. Si aucun aliment n’est ingéré, il n’y a pas de déversement de bile. Les physiologistes sont d’accord sur le fait que, lorsqu’un animal jeûne, il n’ a pas d’écoulement de bile dans l’intestin. C’est probablement vrai aussi dans le cas d’un homme réellement en bonne santé, mais ce ne l’est certainement pas pour un homme malade. » (Shelton)

Pour plusieurs, les nausées sont les principales causes de l’inconfort durant le jeûne.

 

De multiples signes nous renseignent sur l’intensité de notre régénération interne: (Boudreau)

La soif: les mouvements importants d’élimination s’accompagnent d’une grande soif, car l’eau est le véhicule de l’élimination. La circulation lymphatique, qui draine activement les déchets et les toxines hors des tissus, est mise à contribution; la sueur est une autre voie d’élimination qui requiert de l’eau, de même que la filtration rénale. Quand l’élimination est intense, notre bouche est sèche et nous ressentons le besoin de boire davantage.

Les sécrétions des muqueuses: toutes les muqueuses haussent leur niveau de sécrétion pour drainer les déchets que le sang y dépose; la bouche, les yeux, le vagin, les oreilles, les bronches et les narines produisent des sécrétions plus abondantes selon les organes en nettoyage.

La peau: le teint, qui est un indice ‘coloré’ de l’élimination, s’anime de divers coloris au cours du jeûne. Le teint pâlit lorsque la circulation s’intensifie dans les organes internes en autolyse, au détriment de la circulation périphérique. Le teint jaunit lorsque le foie se détoxique, et se fait gris quand l’organisme élimine des résidus du tabac; il redevient rosé lorsque le corps est détoxiqué.

Le pouls: le pouls est plus rapide lorsque l’autolyse bat son plein. Il revient à la normale lorsque lesplus fortes poussées d’élimination sont terminées.

La température du corps: un corps plus chaud se défend avec ardeur; la hausse de la température corporelle favorise la multipliation des globules blancs, et accélère le dédale des réactions biochimiques de l’organisme.

Les odeurs: l’haleine devient très amère et la langue blanchit; les odeurs corporelles sont plus âcres (aisselles, urines, peau).

our ceux qui aiment les détails précis et les explications plus scientifiques, la thèse du docteur Duverney-Guichard nous en met plein la vue dans « Le jeûne, approche médicale et scientifique »

1.2.1.5. Modification de l’excrétion d’azote

L’excrétion totale d’azote comprend les pertes fécales qui deviennent nulles au cours du jeûne. Les pertes extra rénales (cutanées) qui restent faibles (inférieures à 0.5 g/j: l’azote urinaire enfin qui se décompose en :
 urée, créatinine ammoniémie, acide urique : produits habituellement mesurés.
 autres formes estimées à 0,5 g/j.

L’excrétion azotée peut donc être assimilée avec une faible marge d’erreur à l’azote urinaire. Elle diminue lorsque le jeûne se prolonge résultant en particulier des changements du métabolisme énergétique vers une préservation de la masse protéique. Il existe également des variations dans le pourcentage des différents constituants. Globalement, l’excrétion d’urée diminue au profit de l’ammonium celle de l’acide urique décroît, la créatininurie restant assez stable.

La diminution de l’urée et l’élévation de l’ammonium au niveau urinaire s’expliquent par la gluconéogenèse rénale qui contribue pour plus de la moitié à la production totale de glucose au cours du jeûne prolongé. Cette néoglucogenèse rénale dont le substrat est en premier la glutamine, aboutit è la production d’ammonium et non d’urée comme c’est le cas au niveau hépatique. Cette ammoniogénèse et trois avantages par rapport à l’uréogénèse 1) L’ammonium excrété est sous forme cationique tamponnant l’excès d’acides organiques produit par le jeûne et donc préservant la fuite de cations (K+). 2) L’ammonium peut être réabsorbé réduisant les pertes obligatoires d’N qui accompagnent l’uréogenèse hépatique, 3) La diminution de l’excrétion d’urée épargne le soluté urinaire majeur minimisant ainsi obligatoirement l’excrétion d’eau et les besoins d’apport d’eau. Confirmant le rôle de l’excrétion d’ammonium. HCNNAFORO montre chez 8 sujets obèses jeûnant depuis 14 jours que l’addition de 150 ml de bicarbonate de sodium et de 60 ml de chlorure de potassium entraîne une chute de l’excrétion d’N sous forme d’ammonium. Ainsi le plateau d’excrétion d’N ne représente pas obligatoirement un minimum non réductible lié au catabolisme protéique dans le but de la néoglucogenèse. STREJA (112) chez 7 sujets obèses au cours d’un jeûne total (+ 1500 ml d’eau + 16 meg Kcl + préparation multivitaminique) retient les modifications de l’excrétion azotée suivantes après 3 à 5 semaines :

 Sécrétions et excrétions durant le jeûne dans actualités 421010excrtionazote

Notre étude note une élévation de l’urée urinaire le 3e jour du jeûne 374 mmol/24 h puis des chiffres diminuant progressivement pour atteindre un minimum de 44 mmol/24 h le 29e jour. Les chiffres de la créatininurie sont en-deçà de la limite inférieure de la normale sauf à J3.

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Dans son livre, le docteur Duverney-Guichard donne une multitude de tableaux montrant l’évolution de divers paramètres au cour du jeûne. Les analyses ayant débutées 5 jours avant le jeûne pour se terminer 5 jours après la 42e journée de jeûne.

Le Siwak a de nombreux bienfaits pour la santé bucco-dentaire

Le Siwak a de nombreux bienfaits pour la santé bucco-dentaire

Le Siwak a de nombreux bienfaits pour la santé bucco-dentaire dans actualités tDOctOvfJOPWToqNQHjWRX0W7kA

Les scientifiques commencent à peine à découvrir les vertus du siwak, qui provient de l’arbre al-‘arak en l’introduisant dans la composition de certains dentifrices tandis qu’on connait ses bienfaits depuis plusieurs siècles.

Santé bucco-dentaire:

Le siwak purifie la bouche (élimine microbes , bactéries etc..)· Il évite les caries et leur extension.· Il renforce les gencives qui deviennent plus solides,  prévient la plaque dentaire, rend les dents plus blanches, élimine la mauvaise haleine, améliore le sens du goût et éclaircit la voix. D’autre part aide à la  digestion,  calme les nerfs et arrête les glaires.

Il contient environ 19 substances qui ont des bienfaits pour la santé dentaire comme les antiseptiques naturels, l’acide tannique, l’huile essentielle aromatique qui augmente la salivation, la triméthylamine, l’alcaloïde salvadorine, la vitamine C, les sels minéraux tels que le chlorure et le fluorure; les minéraux: le soufre, le phosphore, le calcium et surtout le silicium; des quantités variables de saponines, flavonoïdes et stéroïdes.

Le Siwâk sous le microscope

Après avoir porté à ébullition un mélange de : alcool + glycérine + eau (en quantité équivalente) + des tranches transversales des Siwâk, les chercheurs ont identifié 3 couches :

1. La couche supérieure composée d’une écorce douce (comme celui du chêne)

2. Une couche intermédiaire un peu plus solide que la précédente

3. Une couche inférieure fine en fibres de cellulose très bien agencées. Les fibres sont parfaitement ordonnées par dizaines en ensembles disposés côte à côte. C’est une vraie brosse à dents naturelle.

siwak

L’influence de la plaque sur la santé

Après avoir détruit les cellules épithéliales des gencives, les bactéries atteignent les vaisseaux sanguins et donc la circulation sanguine générale du corps, atteignant d’autres organes.

Ce type d’infection a été répertorié et classifié par les scientifiques :

La bactérie de bouche de l’espèce « profiromonaz jinjia fals » va jusqu’au cœur, endommage les vaisseaux sanguins qui l’alimentent au point les obturer (sécrétion d’enzymes qui font s’accumuler les acides gras). La bactérie de bouche de l’espèce « hliyou cobactir bilory » cause les aphtes (trous inflammatoires) de l’estomac. Une autre espèce de bactéries de bouche extrêmement dangereuse cause une accumulation des acides gras dans les vaisseaux sanguins du cerveau, coupant peu à peu son alimentation en oxygène ;4. D’autres espèces encore de bactéries de bouche atteignent les yeux, les poumons, la peau, les reins et les articulations.4. Le Siwâk : un remède efficace

Un magazine de l’Allemagne de l’Est, paru en 1961 (n°4) a publié un article réalisé par le chercheur ROWADART -Directeur du Département des Microbes de l’Université Rosto. Il y dit : »J’ai lu sur le Siwak que les arabes l’utilisent comme brosse à dents dans leur livre d’un voyageur qui a visité un de leurs pays. Ce voyageur a montré cela d’une manière ironique en disant : « Comment peut-on, au XXème siècle, se frotter encore les dents avec un bâtonnet de bois ? Cela relève de l’archaïsme et du sous-développement de ces peuples. » – Le Docteur ROWADART explique qu’il s’est penché sur le sujet et qu’il a cherché une vérité scientifique derrière cette pratique. Il en a donc réduit en poudre et l’a rajouté, dans une couveuse, à une culture microbienne. Les résultats ont montré que la poudre de Siwâk a attaqué les bactéries de la même façon que la pénicilline(antibiotique très efficace). 7 ans après, le Docteur Frédérique FOSTER a confirmé ces résultats et s’est mis à utiliser personnellement et régulièrement le Siwâk.

Composants chimiques du Siwâk

Des études plus approfondies ont permis d’identifier les composants du Siwâk :* Les fibres contiennent un élément anti-inflammatoire à large spectre et qui assure la blancheur des dents,maintient les gencives en place et empêche leur saignement tout en les renforçant ;* Un élément, nommé « Sinnigirin », ayant une forte odeur et un certain goût qui a une réelle action anti-microbienne ;* Du « Cholure » et de la « Silica » qui rendent les dents plus brillantes. La « Silica » entraîne la formation d’une substance collante invisible qui recouvre et protège l’émail de la dent des effets de la « plaque dentaire » et donc de la formation des caries ;* Du « 3-Méthyl-Amine » qui guérit les blessures des gencives et les renforce. Elle modifie la réaction chimique de la muqueuse buccale avec les bactéries de bouche (par action sur l’hydrogène), diminuant leur multiplication ;* Des anti-inflammatoires et des Anticorps contre certaines tumeurs ;* Du « Florène » qui réagit avec l’émail dentaire, qui transforme l’ »hydroxy-Apatit » en « Floro-Apatit »renforçant l’émail ;* De la « Silice » à hauteur de 4%, qui dissout la « plaque dentaire » et du « Bicarbonate de Soude » dont l’effet bénéfique a été identifié et utilisé par les fabricants de dentifrice ;* Du « Silva Yourya » qui lutte contre la carie et les maladies de la gencive ;* De l’ »Acide Anisik » qui aide les poumons à éliminer du mucus, de l’ »Acide Ascoropique » et de la matière « citocetral » qui renforcent tous deux les vaisseaux sanguins des gencives ;* 1% d’huile naturelle parfumée ;* De « l’Antralitone » qui régule le fonctionnement des intestins.

Différence entre Siwâk et dentifrice

Après la découverte des vertus du Siwâk et des ses bienfaits sur la santé bucco-dentaire, des chercheurs en médecine dentaire ont expérimenté de nouveaux dentifrices à base de Siwâk. Ils l’ont appelé le dentifrice « Qualime Swaks » produit par une société suisse célèbre nommée « Farma Pazl Limited ». Ils ont lancé ce dentifrice sur le marché mais il n’avait pas les mêmes effets que l’utilisation du Siwâk. Ils se sont posé la question du pourquoi. Ils ont refait de nouvelles études sur le frottement du Siwâk. Ces études ont montré l’apparition de nouveaux composés qu’ils n’avaient pas inclus dans le « Qualime Swaks ». En effet ces composés sont formés lors de réactions chimiques lors du frottement entre le Siwâk et les dents au contact des enzymes salivaires. Ces nouveaux composés ont prouvé leur efficacité en supprimant 97% des bactéries en peu de temps. Certaines enzymes n’étant produites que pour répondre à des modifications d’acidité de la bouche, certains composés du Siwâk sont produits avec ce mécanisme vital. Le Siwâk possède donc une triple action : mécanique, chimique et vitale.Des dentistes ont mis en garde contre certains dentifrices riches en floréides qui empoisonnent les enfants qui en avalent accidentellement, contrairement au Siwâk. L’Assemblée des Dentistes Américains a démontré l’incapacité de la brosse à dents à éliminer toutes les bactéries de la bouche, contrairement au Siwâk qui a des capacités absorbantes. Après 14 jours, les bactéries transforment la brosse à dents en un milieu de culture adéquat.

Informations supplémentaires

Une étude récente a montré le besoin physiologique dans la relation mécanique entre la main et la bouche. C’est la base qui fonde la réussite de l’industrie de la cigarette ainsi que le point commun entre la dépendance et son remède. La persévérance dans l’abstinence de cigarette apparait avec l’utilisation d’un remplaçant hygiénique comme le fait de porter un batonnet de Siwâk à la bouche. Il est donc conseillé de joindre à une cure anti-tabac l’utilisation du Siwâk.

«Le monde arabe est divisé entre l’occidentalisation et l’obscurantisme»

Ali Ahmed Saïd Esber, alias Adonis: «Le monde arabe n’est plus une source d’identité commune.» (AFP)

Ali Ahmed Saïd Esber, alias Adonis: «Le monde arabe n’est plus une source d’identité commune.» (AFP)

Adonis est considéré comme le plus grand poète arabe vivant. Il s’insurge contre la place de la religion «institutionnalisée»

Le Syrien Adonis, né Ali Ahmed Saïd Esber, est considéré comme l’un des plus grands auteurs arabes vivants. Ses ouvrages de poésie, auxquels se sont identifiées plusieurs générations, ont circulé sous le manteau dans tout le monde arabe. Vivant aujourd’hui en France, Adonis, né en 1930, a été contesté pour ses prises de position récentes relatives aux conséquences des Printemps arabes. Il était de passage à Genève dans le cadre du Festival du film oriental qui se tient ces jours.

Le Temps: Les grandes réserves que vous avez énoncées vis-à-vis des révolutions arabes vous ont valu des critiques acerbes…

Adonis: J’ai écrit de nombreux textes en soutien aux Printemps arabes, mais je suis très sévère envers la pratique. Les révolutions, à mon avis, doivent remplir trois conditions principales. Tout d’abord, je ne peux pas imaginer une révolution arabe si le statut de la femme et sa libération de la loi islamique ne sont pas placés au centre. Ensuite, il y a la question de l’indépendance vis-à-vis de l’extérieur. Ces révolutions ne peuvent se produire si elles sont le fait de satellites de l’Europe ou des Etats-Unis. Enfin, troisième condition, il nous faut adopter une éthique différente, en séparant notamment la mosquée et l’Etat. Or, sur tous ces plans-là, rien ne s’est produit. Ce qui se passe, c’est l’arrivée de gens qui sont en quelque sorte l’autre face des régimes précédents. Ce sont les mêmes discours, les mêmes références, les mêmes comportements qui sont à l’œuvre.

Pourtant, en Syrie, en Tunisie, en Egypte, des gens ont été tués alors qu’ils s’opposaient à ces comportements que vous dénoncez…

Ce qui s’est passé dans les pays que vous mentionnez a été extraordinaire. Mais ce mouvement a été brisé, détourné. Dès que la révolution est devenue armée, c’est-à-dire violente, cela a tout faussé. C’est devenu autre chose.

–Les régimes arabes ne sont-ils pas les premiers responsables de cette dérive?
Les régimes arabes sont à changer radicalement, c’est indiscutable. Mais s’il s’agit de les remplacer par des gens qui partagent la même culture politique et les mêmes idéaux, nous sommes devant un simple conflit d’intérêts pour le pouvoir et non d’une révolution. Le problème, c’est de refonder la société, de changer la culture, les mentalités, dans l’horizon de la citoyenneté, de la laïcité, du respect de l’autre. Or cela n’a jamais été posé de cette manière.

Croyez-vous que le concept d’un «monde arabe» soit encore d’une quelconque utilité?

Le problème, c’est qu’au-delà de la religion, il n’y a pas d’autre point commun dans cet espace. Or, de mon point de vue, la religion n’est pas productrice d’identité. C’est en créant sa propre œuvre que l’être humain crée son identité particulière. On n’hérite pas d’une identité, on la crée. La religion vient du passé, tandis que l’identité est dans l’avenir. Et dans cette optique, le poids de la religion ne peut être qu’une entrave à penser l’avenir. Dans cette manière de concevoir l’identité, comme le font par exemple les mystiques, l’autre prend une place essentielle. Il n’est plus un élément extérieur, mais il devient constitutif de moi-même.

Cette vision que vous défendez n’est pas très répandue à l’heure actuelle…

C’est l’un des aspects du vide culturel qui règne actuellement dans les pays arabes. Ils sont entièrement soumis à la religion institutionnalisée. Je n’ai rien contre les croyances individuelles, et j’accepte l’idée que l’être humain puisse avoir besoin d’une certaine doctrine pour gérer son rapport avec l’inconnu. Mais lorsque cela se transforme en religion institutionnelle, le danger c’est qu’il n’y ait plus d’autres références que religieuses. Or, ce cadre est complètement étranger aux préoccupations de la jeunesse. Dans le monde arabe, cela ne laisse plus aucune place à une culture créatrice qui pourrait participer aux autres cultures du monde. Il n’y a pas une seule université arabe à figurer parmi les grands établissements mondiaux. Si le savoir est lié à la seule religion institutionnelle, il n’y a plus de science et plus de création.

C’est ce problème qui est à l’origine de l’irruption l’Etat islamique?

Il n’y a plus, désormais, un noyau d’identité arabe. Le monde arabe est aujourd’hui divisé entre l’occidentalisation et l’obscurantisme, et ceux qui essaient d’exister entre ces deux pôles sont systématiquement marginalisés. Les Arabes sont devenus comme des pantins sans personnalité, manœuvrés par le jeu de plus puissants qu’eux.

Les créateurs arabes sont donc en panne?

L’interlocuteur d’un écrivain, d’un auteur, d’un artiste, cela doit être Dieu. Un petit créateur ne peut être fécond que s’il peut se permettre d’interroger le grand Créateur. Or cela est devenu impossible dans le monde arabe actuel, on ne peut même pas l’envisager… Je raconte souvent que, dans le Coran, certains versets relatent une discussion tenue entre Satan et Dieu. Or Dieu n’a pas effacé cette discussion, il ne l’a pas censurée! Dieu a donc laissé parler le diable, mais il n’en est rien des régimes arabes, dans lesquels on ne cherche que la répétition du dogme. Sur les 6213 versets que compte le Coran, on n’en retient que quelque 150 pour faire croire que le texte coranique est un tout cohérent et indivisible. On écarte tout ce qui ne colle pas, et ainsi tout ce qui est science, connaissance, ouverture sur l’autre, création, individualité, humanité, finit par ne plus exister.

Vous vous montrez également très sévère quant à la responsabilité de l’Occident…

En réalité, il n’y a pas moyen de parler du monde arabe sans évoquer le monde occidental. Un pays comme la France, qui est aussi en un sens mon pays, ne peut pas se dire du côté de la révolution et être, de fait, l’allié absolu de la régression et de la décadence tels que les incarne par exemple le régime saoudien. Comment peut-on prétendre s’appuyer sur ces pays pour libérer le monde arabe, alors que c’est précisément d’eux qu’il doit se libérer avant toute chose?

De manière générale, la valeur culturelle n’est pas prise en compte et s’efface devant les intérêts pétroliers ou stratégiques. Je suis d’ailleurs très frappé par l’absence d’esprit critique en Occident. Où sont aujourd’hui les penseurs qui, à l’instar de Sartre ou Deleuze, sont capables de formuler une critique radicale envers leur propre société?

François Déroche : « L’histoire du Coran intéresse au-delà de l’Occident »

Rédigé par Huê Trinh Nguyên |

 

 

Pour François Déroche, titulaire de la chaire « Histoire du Coran » au Collège de France, « l’immense respect de l’islam pour la langue et l’écriture qui ont véhiculé la Révélation représente une chance inouïe qui permet aujourd’hui de disposer de très nombreux fragments des premiers corans copiés entre le VIIe et le Xe siècle ».

Pour François Déroche, titulaire de la chaire « Histoire du Coran » au Collège de France, « l’immense respect de l’islam pour la langue et l’écriture qui ont véhiculé la Révélation représente une chance inouïe qui permet aujourd’hui de disposer de très nombreux fragments des premiers corans copiés entre le VIIe et le Xe siècle ».
Il y avait foule, en ce jeudi 2 avril 2015, pour assister à la leçon inaugurale de François Déroche, nouvellement nommé titulaire de la chaire « Histoire du Coran. Texte et transmission » au sein du Collège de France. La plupart des professeurs de cette prestigieuse institution étaient présents, dont Thomas Römer, qui occupe la chaire « Milieux bibliques », et Serge Haroche, Prix Nobel de physique.

« Au lieu d’étudier le Coran à travers le discours tenu par les savants musulmans médiévaux, François Déroche s’est principalement attaché dans toute sa carrière à revenir aux manuscrits les plus anciens », rappelle dans son discours introductif Serge Haroche, également administrateur du Collège de France. Selon ses termes, les recherches en paléographie (étude des écritures anciennes) et en codicologie (étude des manuscrits reliés en codex) du Pr Déroche s’apparentent à un véritable « travail de détective » puisqu’il s’agit de « recenser et remettre en ordre des documents éparpillés dans le monde entier au gré des conflits qui n’ont pas manqué au cours de la longue Histoire de l’islam et de sa confrontation avec le monde chrétien ». « Ses analyses font apparaître l’histoire complexe d’un ensemble de textes qui, aussi bien dans leur apparence que dans leur contenu, ont connu des évolutions contredisant l’affirmation de l’immutabilité d’un Coran unique », ne manque-t-il pas de souligner.

De quoi heurter peut-être la sensibilité des partisans d’un Coran immuable mais aussi de piquer la curiosité intellectuelle de ceux qui veulent en connaître plus sur l’histoire du Livre saint, sa préservation et sa transmission. Rencontre avec l’un des plus grands spécialistes de l’histoire des manuscrits arabes et du texte coranique.

Saphirnews : En quoi est-il important d’avoir enfin une chaire sur l’histoire du Coran au sein du Collège de France ?

François Déroche : C’est un sujet qui est neuf dans la mesure où, grâce à l’étude des manuscrits du Coran qui ont été préservés dans les communautés musulmanes du Proche-Orient avec beaucoup de respect, on a des choses qui ont été produites réellement aux VIIe, VIIIe et IXe siècles, et qui sont donc des témoignages directs, des photographies de ce que les gens croyaient et ressentaient à cette époque, leur façon de considérer le Coran. Ainsi, le Coran traverse toute une série de modifications qui sont le reflet des changements de l’attitude des gens vis-à-vis du texte coranique. C’est quelque chose de tout à fait extraordinaire.

Le Collège de France a eu plusieurs chaires de la langue arabe. Pour la première fois, il ouvre une chaire sur le Coran. Quelle est la différence ?

François Déroche : L’étude du Coran a toujours été présente au sein du Collège de France, parce que le Coran est le texte fondateur de l’islam et, bien sûr, la référence absolue en matière de langue arabe. Tous les arabisants, à un moment ou un autre, « font du Coran ». Ce qui est différent avec cette chaire, c’est que l’on va s’intéresser à un aspect particulier qui est l’Histoire : l’évolution du texte, la façon dont il a été mis à l’écrit. On va plonger dans ces milieux du VIIe au IXe siècle et comprendre ce qu’il s’est passé.

Vous ne vous posez pas du tout en tant qu’exégète ni islamologue. En quoi consiste exactement votre travail ?

François Déroche : Je suis historien du livre et un petit peu historien du texte. Là est le positionnement de mon approche. Les exégètes interprètent les textes. Moi, j’essaie de comprendre comment le texte a été mis par écrit, quelles sont les variations possibles et quel est le cheminement qui a conduit à l’état du texte que nous connaissons aujourd’hui.

 

Parmi les milliers de fragments trouvés entre le toit et le plafond de la salle de prière à Sanaa, en 1973, figuraient une quarantaine de feuillets de palimpseste dont la couche d’écriture plus ancienne notait un texte différent de la vulgate.

Parmi les milliers de fragments trouvés entre le toit et le plafond de la salle de prière à Sanaa, en 1973, figuraient une quarantaine de feuillets de palimpseste dont la couche d’écriture plus ancienne notait un texte différent de la vulgate.

La découverte du palimpseste à Sanaa semble avoir marqué un tournant dans la recherche scientifique dans les années 1970. Quelle a été la réception dans les pays musulmans ?

François Déroche : Les Yéménites ont eu une attitude extrêmement constructive dans la mesure où nous sommes aujourd’hui en train de travailler sur ces textes découverts à Sanaa. Ce sont les autorités yéménites qui ont donné accès à ces manuscrits alors qu’il avait été dit ici et là que cela remettait en cause les fondements de l’islam ; cela a été très exagéré par les médias qui ont donné l’impression que c’était devenu le monde à l’envers.

Il faut retenir une chose positive : dans le monde musulman, à l’heure actuelle, il existe un réel intérêt pour le texte du Coran, afin de mieux comprendre des choses qui nous sont dites par la tradition musulmane. En effet, avec le passage du temps, on a eu du mal à penser la complexité, et un certain nombre d’auteurs ‒ je pense, notamment, à al-Suyuti ‒ ont essayé de parvenir à un exposé cohérent sur ces questions et, de fait, ont beaucoup simplifié ce qui s’était dit.

 

La Bibliothèque nationale de France possède un plus grand nombre de Coran abbassides (250) que de copies carolingiennes de la Bible ou du nouveau Testament (70). La quasi-totalité des manuscrits coraniques de la BNF provient de la mosquée Amr, à Fustat.

La Bibliothèque nationale de France possède un plus grand nombre de Coran abbassides (250) que de copies carolingiennes de la Bible ou du nouveau Testament (70). La quasi-totalité des manuscrits coraniques de la BNF provient de la mosquée Amr, à Fustat.

Rappelez-nous quelle a été la découverte de Sanaa.

François Déroche : On y a découvert une cache où, pour éviter que les documents ne soient souillés, on avait entreposé de très vieux corans qui ne servaient plus, parce qu’ils étaient en petits morceaux et qu’on ne pouvait pas non plus les réutiliser pour autre chose ‒ c’est comme ce qu’il s’est passé à Fustat ou à Damas.

Ces documents étaient entreposés entre le toit et le plafond de la mosquée, on y a découvert quantité de manuscrits qui sont parfois tout à fait conformes au Coran de l’édition moderne dans le cas de Sanaa ; mais dans d’autres cas on a aussi des versions qui ne coïncident pas, ayant un ordre des sourates différent ou avec des textes qui diffèrent légèrement.

Lors de votre leçon inaugurale, vous avez distingué Coran oral et Coran écrit. Que cela signifie-t-il ?

François Déroche : Au début de l’islam, quand le texte a été écrit il n’existait pas d’outil pour transcrire les voyelles. Il n’existait pas de normes communes en matière d’orthographe, les copistes collaborant à un même manuscrit pouvaient adopter une position spécifique en ce domaine. La notation des voyelles est restée longtemps imprécise. Il fallait que quelqu’un connaisse le texte et se serve de ce qui était écrit comme d’une sorte d’aide-mémoire pour le réciter correctement. La dialectique entre Coran écrit et Coran oral est en partie une conséquence de raisons techniques. Le Coran oral oriente certaines lectures ; le Coran écrit aide à préciser la façon de noter.

Vous dites que votre challenge sera de réaliser l’étude chronologique du Coran, il y a déjà eu des tentatives de mettre en ordre chronologique les sourates. Quelle sera votre démarche ?

François Déroche : Je pense qu’en utilisant les données de l’histoire du texte elle-même on peut peut-être trouver des éléments qui vont nous aider à mieux comprendre la chronologie. Des tentatives ont effectivement été réalisées à ce jour, mon espoir est de trouver dans les manuscrits des pistes qui nous permettrait d’aller encore plus loin. C’est peut-être une utopie !

Quel sera le déroulé de votre programme « Histoire du Coran » au Collège de France ?

François Déroche : L’objectif essentiel est de comprendre l’histoire du Coran, sous tous ses aspects, y compris l’histoire intellectuelle et l’histoire économique. Il s’agit de réfléchir à la façon dont le Coran a été produit et pourquoi il a été produit. Le texte lui-même a son histoire. L’ensemble des documents permet d’appréhender le Coran de façon nouvelle et, je crois, constructive.
Pour ce premier semestre 2015, il s’agira d’un rappel de ce qui s’est dit sur le Coran : littérature traditionnelle et perspectives de recherche. Et à la rentrée 2015-2016, j’aimerais revenir sur les corans ommeyyades.

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Tous les cours au Collège de France sont gratuits et ouverts à tous, sans inscription.
Les cours de François Déroche sont disponibles en vidéo ici

René Guénon et la métaphysique intégrale.

En réponse à la demande de quelques-uns, je vous présente ici une petite synthèse de la métaphysique de René Guénon, dite « métaphysique intégrale ». Attachez vos ceintures !

 

 

René Guénon et la métaphysique intégrale.  dans actualités 1895101-2596683

 

« Mais, au fond, c’est quoi la métaphysique de René Guénon ? » Voyant que je m’intéresse de près au meilleur spécialiste de la connaissance sacrée (ça ne date pas d’hier, j’ai lu la Crise du monde moderne en préparant mon bac philo), on me pose une question passionnante qui, étrangement, n’effleure guère l’esprit de la plupart de ses lecteurs. Fascinés par ses exposés sur le symbolisme, époustouflés par la justesse du diagnostic qu’il pose sur notre temps, entraînés dans les volutes d’une pensée qui touche au moindre aspect de « la Manifestation » (histoire, philosophie, sciences, mathématiques, religion comparée, mythes, etc.), peu d’entre eux ont tenté de formaliser une conception métaphysique qui se situe pourtant au coeur de sa démarche, en fournit la charpente, le soubassement théorique, et relie entre elles, comme un chapelet de prière, chacune des parties. 
Comprendre la métaphysique de René Guénon (qu’il ne faut pas confondre avec une théologie ou une dogmatique religieuse, je m’empresse de la signaler) permet d’éclaircir des moments de son oeuvre qui semblent obscurs, tous les éléments présentés n’étant pas systématiquement explicités par l’auteur. S’il n’a pas cherché à l’exposer de façon didactique, sinon peut-être, de manière fragmentaire, dans La Métaphysique orientale (1939), c’est pour au moins une bonne raison : Guénon ne présente pas une métaphysique comme étant issue de son propre cerveau à la manière d’une doctrine personnelle, comme le ferait un philosophe persuadé d’avoir découvert un concept révolutionnaire génial qui bouleverse l’histoire de la pensée, mais comme un corpus relevant de la tradition la plus lointaine, non-humaine, la quintessence de la sophia perennis qui remonte aux temps originels de notre Cycle et appartient à ce que l’intuition intellectuelle de chacun peut saisir s’il se met en état de le faire, c’est-à-dire en s’en « ressouvenant » à la manière de Platon. 
Sans doute René Guénon estime-t-il aussi qu’il importe de réaliser un travail intérieur qui requiert, pour parvenir à saisir les linéaments de cette métaphysique qu’il nomme intégrale, un énorme effort de concentration et une disposition particulière de l’âme et de l’esprit. Relevant le défi qui m’est proposé, je vais tenter d’un brosser la synthèse la plus exacte possible en usant d’un minium de mots. Attachez vos ceintures, nous décollons !
Tout commence par l’Être. Dans la métaphysique classique, celle initiée par Aristote, l’Être pur est le principe de la Manifestation (la « nature ») ; depuis lors, les métaphysiciens dits réalistes ont tenté de cerner les qualités de cet Être fameux. L’effort de Guénon consiste au contraire à dévoiler que cette recherche multiséculaire, qui a certes montré ses mérites pour la zone qu’elle explore, limite notre compréhension de la Totalité et nous sépare de l’essentiel qui doit être atteint : la contemplation de l’Absolu. L’Être convient ainsi d’être dépassé. Pourquoi ? Parce que l’Être, qui s’offre comme le déterminant suprême, contient encore une détermination en ceci qu’il se détermine lui-même. Se déterminant, il est limité par cette auto-détermination. Ainsi l’Infinité ne peut lui être attribuée, car elle ne saurait être limitée, et par conséquent l’Être ne peut en aucune manière être considéré comme le Principe suprême. Pour accéder à ce Principe, il faut s’ouvrir à un au-delà de l’Être : le Non-Être ! 
Qu’est-ce que le Non-Être ? Le Néant ? Pour la créature, oui. Pour l’Être, absolument pas, puisqu’on va voir qu’il dépend de lui. Inconcevable pour l’esprit, le Non-Être est une convention de langage qui nous permet d’accéder à un stade supérieur de notre intellect définissant un Point suprême, un rien suressentiel au fondement de tout ce qui est et qui contient l’Être ainsi que la Non-Manifestation – celle-ci pouvant être assimilée « au silence qui comporte en lui-même le principe de la parole » (Guénon). Cet Être et ce Non-Être, associés, sont les deux faces de ce que Guénon nomme la Possibilité universelle, qui seule est vraiment totale. 
Le Non-Être peut être considéré comme le Zéro métaphysique ou encore l’Unité non-affirmée, antérieure à l’Unité, qu’il comprend ; doté d’une potentialité fondamentale, il ouvre la voie à l’Infinité. Or la notion primordiale, vierge de toute détermination, est précisément cet Infini, qui, lui, n’est réductible à aucune Manifestation car il est illimité. C’est sur cette notion que notre intuition intellectuelle (« l’Intellect pur » d’Aristote, non discursif, coïncidant sans médiation avec la Vérité) doit se relier si nous sommes en état de réceptivité et d’ascèse : l’idée se trouve ancrée dans notre esprit même s’il ne la cerne pas puisqu’elle n’a ni définition ni accessibilité. Ancrés dans la Manifestation, nous ne pouvons qu’oeuvrer à dire l’impossibilité de parler de l’Infini, concept inexprimable qui s’apparente à une non-connaissance, un non-savoir, comparable à une lumière qui ne se donnerait que par son absence.
Guénon ne s’arrête pas à cette étape, à la radicalité pourtant vertigineuse. Dans ce fantastique voyage ascensionnel, il pulvérise toutes nos frontières mentales et dynamite les formules et les concepts avec lesquels nous sommes habitués à penser dans la philosophie occidentale qu’on nous a enseignée, pour nous faire accéder au coeur du réacteur nucléaire de la doctrine. Il s’agit pour lui de nous faire saisir que la Manifestation, notre « monde », n’est rigoureusement rien au regard de l’Infini. Il importe de se situer hors du temps et de la soumission au monde des phénomènes pour se diriger vers le Principe, dépouillé de toute qualité. 
Mais le Principe lui-même n’est pas tout ! Il convient d’aller au-delà et dépouiller la notion du Principe, afin de la transcender pour la vider de son essence dans une sorte de grande négation purificatrice rendant possible la Délivrance de toute illusion phénoménale. 
Cette tension spirituelle est ce que Guénon nomme « la Réalisation ». Nous sommes là dans l’aspect pratique de sa métaphysique. Son objectif principal est de nous faire « sentir » que l’individu n’est qu’une manifestation transitoire de l’Être. C’est en accédant à ces hautes cîmes que nous pourrons retrouver en nous l’Homme véritable, celui qui a le sens de l’éternité ; que nous serons en mesure d’accéder à des états supra-individuels libérés de toute limitation ; et de nous diriger, au-delà encore (grimpons, grimpons dans le supra-rationnel !), vers l’état inconditionné et inexprimable. 
C’est l’accession à ce dernier état qui constitue la vraie Délivrance, la totale universalisation nous permettant de dépasser la dualité (vie, mort…) et de percevoir l’illusion des formes. Une fois parvenus à ce stade, nous savons que le Soi est sans cause, qu’il n’y a ni naissance, ni mort, ni temps ni même éternité !
Délire ? Fantasme ? C’est la première réaction des néophytes, et même (et surtout ?) des universitaires formés à l’école classique, qui prennent connaissance de ce processus intellectuel. Incendairie mise en abîme de l’esprit humain, lequel est prié de se détacher de tout ce qu’il croit connaître, cette métaphysique abrupte traverse pourtant toutes les traditions de notre Cycle : doctrine hindoue du maître indien Shankara, bouddhisme, soufisme, mystique rhénane, approches de saint Grégoire de Naziance, saint Grégoire de Nysse, saint Jean Damascène, qui s’exclamera : « De Dieu il est impossible de dire ce qu’il est en lui-même, et il est plus exact d’en parler par le rejet de tout : il n’est en effet rien de ce qui est… Il est au-dessus de tout ce qui est, et au-dessus de l’être même » ! 
René Guénon, et après lui les « traditionistes » Julius Evola, Ananda Kentish Coomaraswamy, Frithjof Schuon, Georges Vallin, Titus Burckhardt, Michel Vâlsan et tant d’autres, n’ont cessé de démontrer, de diverses façons, dans leurs travaux, l’existence de cette métaphysique traversant les siècles.  
Rien n’est plus normal que d’être déboussolé, désorienté, affolé ou scandalisé par cette métaphysique ultime. C’est la mise en condition mentale nécessaire pour accéder à une connaissance supérieure et sacrée. Ce n’est pas par hasard que nos ancêtres avaient institué de sévères initiations (devenues aujourd’hui parodiques dans les loges maçonniques), qui avaient pour but, étapes par étapes, de faire progresser l’esprit vers ces lumières salvatrices et ineffables.
Je vous laisse y réfléchir ; nul n’est contraint de donner son assentiment à cette perspective métaphysique sans l’avoir comprise et absorbée complètement. Le plus important est de la méditer, de se sentir stimulé voire provoqué dans nos certitudes, et de faire des expériences pour en savourer (ou non) les fruits. 
En attendant, j’espère avoir répondu à la question qui m’a été posée par quelques lecteurs désirant aller plus loin que la vulgate et que je félicite pour leur saine curiosité en ces temps de crétinisme généralisé.
Paul-Éric Blanrue
POUR ALLER PLUS LOIN :
- René Guénon, Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, Véga, 1983.
- I, L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, Éditions traditionnelles, 1981.
- Id°, Les États multiples de l’être, Véga, 1980.
- Id°, La Métaphysique orientale, Éditions traditionnelles, 1970.
- Jean-Marc Vivenza, Le Dictionnaire de René Guénon, Le Mercure Dauphinois, 2002.
- Id°, La Métaphysique de René Guénon, Le Mercure Dauphinois, 2004.
- Georges Vallin, La Perspective métaphysique, Dervy, 1977.
- Michel Vâlsan, L’Islam et la fonction de René Guénon, Les Éditions de l’Oeuvre, 1984.

Abou Houdeyfa: agent de décérébration de la communauté musulmane?

Dans la vidéo d’un de ses derniers prêches du vendredi (9 mai 2015), l’imâm Abou Houdeyfa s’en prend à ceux qui « prétendent réformer l’islam au nom de la raison », probablement celles et ceux réunis au sein de la Fondation al-Kawakibi, sans qu’il ne les nomme précisément d’ailleurs. 
Bien que l’audition de cette vidéo soit un véritable supplice pour l’esprit et l’intelligence, elle vaut cependant que l’on s’y arrête un instant. En effet, reconnaissons-lui ce mérite, l’imâm Abou Houdeyfa, tout en prenant manifestement son auditoire pour une foule de demeurés, parvient à concentrer la quintessence de l’opposition salafiste à toute idée de réforme, n’hésitant pas non plus, pour quelqu’un qui se revendique d’une haute éthique, à utiliser les plus sales procédés rhétoriques de disqualification de son adversaire.
Passons sur les images simplistes de la relation père-enfant pour faire comprendre que l’enfant (l’homme en l’occurrence) doit s’incliner devant ce que ça raison ne peut saisir. Passons aussi sur les comparaisons à deux francs six sous avec la question des ablutions sur les chaussettes et celle de l’exemption du rattrapage de la prière et non du jeûne en cas de règles, comme possibles « contradictions » entre révélation et raison. Passons encore sur la confusion de son discours entre ‘aql et ra’y (raison/intellection et raison/opinion) qu’il utilise comme équivalents et oppose systématiquement à l’idée de naql (révélation) pour discréditer bassement l’idée même de raison.
Le cœur même de son discours est qu’une fois la révélation descendue sur l’humanité, le naql, comprenant le Coran et la sunna du Prophète, il n’y a plus rien à ajouter, la raison doit se soumettre et obéir, et suivre sans contester les injonctions de la révélation, la raison étant par essence incapable de découvrir les plus hautes vérités. C’est si simple. Il dénonce ensuite plusieurs fois celles et ceux qui, selon lui, voudraient faire passer la raison (‘aql) AVANT la révélation (naql).
On ne s’étonnera peut-être pas trop que le cursus de l’imâm Abou Houdeyfa ait eu quelques lacunes. Il n’a probablement rien lu sur le motif du tabernacle des lumières du prophétat (mishkat al-anwâr) qui explique que les philosophes et les savants (en passant par Platon, etc.) sont tous parvenus à un niveau de compréhension du monde proche de ce qui est obtenu par la révélation, et ce de par leur seule intelligence (guidée par Dieu, certes). Ni non plus le fameux roman de Hayy b. Yaqzân qui, perdu sur une île, induit les principes autrement révélés par le seul usage de sa raison et de l’observation. Bref, la civilisation islamique a une longue tradition de conciliation entre raison et révélation qui dépasse largement le simple rapport de soumission ou de guidance.
Pour en venir à l’essentiel, le discours de l’imâm Abou Houdeyfa expose en vérité l’angle mort, ou plutôt le trou noir, de la pensée salafiste. A savoir le rôle du lecteur, du savant, de l’herméneute dans le rapport à la révélation.
Les principologues du droit musulman (usûliyyûn) savent que la Loi a deux sources : le khabar (Coran et sunna, le naql) et le nazar (le regard, l’intelligence, la raison du savant). Ils avaient compris très vite, dès l’époque classique, que le Texte ne dit rien. C’est un paquet muet de pages remplies de signes. Rien de plus. Seul le regard, l’intelligence, de chaque lecteur ou lectrice fait émerger un sens hors du texte.
Il est probable que le fait que le Coran soit en arabe classique offre aux arabophones une dangereuse impression d’immédiateté dans l’accès à la révélation divine, faisant disparaître la nécessité d’une interprétation, d’un effort herméneutique. Cela donne à croire que, si l’on maîtrise l’arabe, et plus encore si l’on est un arabophone natif connaissant (ou pas) l’arabe classique, on peut accéder sans médiation à la Parole de Dieu. Dangereuse illusion d’optique de laquelle sont préservées en partie aujourd’hui d’autres religions du Livre, dont le judaïsme et christianisme : l’hébreu biblique, l’araméen, le latin, le grec ancien, langues de la Bible et des Evangiles imposent la notion de l’éloignement dans le temps, de la nécessité de l’histoire, du contexte, de la linguistique, de la philologie, de la sémiologie… et donc une certaine modestie dans le rapport au Livre. En tous cas, aucun-e théologien-ne de ces religions, à part quelques illuminé-e-s, ne prétend faire l’économie de son propre rôle dans son approche des textes révélés.
C’est tout le contraire dans la pensée salafiste : le rôle médiateur de l’herméneute est nié, que ce soit pour aujourd’hui ou pour le passé – une compréhension directe de l’essence même du texte est toujours posée comme axiomatique, qu’il s’agisse du Coran ou d’une somme classique. Comme si le lecteur (arabophone, s’entend) était un pur esprit, hors du temps et de l’espace, hors des contingences matérielles, hors de toute culture et société, hors de rapports de domination, de pouvoir, et accédait à l’essence du naql, de la révélation.
Or, c’est précisément là que porte l’effort de réforme, contrairement au mauvais procès que lui fait l’imâm Abou Houdeyfa. Ce n’est pas sur le naql (le Coran, Texte révélé ; je laisse de côté la sunna ici qui pose trop de problèmes méthodologiques) que l’on veut porter réforme, mais sur le nazar, l’intelligence, la raison de l’herméneute, le deuxième terme de l’équation indispensable à la production de la Loi. Sans nazar, le khabar est profondément, désespérément, muet et inutile.
Procédant typiquement selon l’approche salafiste, l’imâm Abou Houdeyfa saute allègrement par-dessus les 14 siècles de tradition herméneutique musulmane et tente de nous faire croire que les Compagnons du Prophète recevaient le Texte de manière pure, sans médiation, et qu’il conviendrait de se soumettre à leur propre approche. Or, contrairement à ce préjugé, ces derniers eux-mêmes ont dû développer leur propre démarche interprétative pour faire face à l’infini des situations humaines auxquelles le Texte ne pouvait ou ne voulait pas répondre, l’exemple le plus connu étant celui de ‘Alî partant au Yémen avec une première méthode d’ijtihâd. Tout n’allait donc pas de soi, y compris durant le moment coranique.
Inspirés par cette réalité, les oulémas n’ont eu de cesse de s’efforcer de développer des méthodologies pour tout, n’hésitant pas à emprunter aux sciences de leur temps (philosophie, linguistique…) pour les porter vers de nouvelles hauteurs et faire émerger des sens encore cachés du khabar : collecte des hadîths, linguistique, métaphysique, kalâm, droit… Bref, à développer, équiper, renforcer, le nazar, car ils avaient conscience, au moins jusqu’à l’époque classique et la fin des Abbassides, qu’ils portaient un regard sur le texte, qu’ils interprétaient et que, pour réduire l’arbitraire, il fallait des outils, des méthodes. Non pas pour nier la raison, mais pour la rendre plus performante encore.
Les croisades, la chute de Bagdad, la perte de l’Andalûs ont fait plonger le monde musulman dans une longue léthargie intellectuelle. Entre temps, dans d’autres endroits du monde, des savants de toutes sortes ont continué à réfléchir, développant l’héritage qui leur avait été transmis.
Le travail de réforme s’impose donc de nouveau aujourd’hui. Non pas pour retirer ci ou là des versets qui seraient embarrassants, mais pour profiter de l’immense essor des sciences sociales, humaines et techniques de ces deux derniers siècles qui, de facto, contribuent à modifier un nazar – lui-même situé dans un autre temps, un autre espace – et donc permettent de faire émerger, à nouveau, des sens inédits, de réordonner les priorités, de déconstruire, de re-situer et de réarticuler les lectures de ces 14 derniers siècles par rapport aux besoins du nôtre.
La réforme en islam porte en vérité sur l’herméneute et ses méthodes, et donc fait inévitablement surgir du neuf hors du Texte, des potentialités contenues depuis l’origine en Celui-ci et qui n’attendent qu’à être exprimées et se déployer. C’est pour cela que le Coran, comme d’autres textes sacrés, est en quelque sorte « garanti par Dieu » pour les siècles des siècles, car sa lecture n’est jamais terminée, ni épuisée, ni figée, chaque époque apportant son innovation herméneutique et son regard réjuvéné sur un Texte immuable.
Nul besoin donc de discourir sur l’antécédence du naql ou du ‘aql, le débat n’est pas là, mais sur la reconnaissance du rôle médiateur du savant, ce que refuse obstinément la pensée salafiste dont l’imâm Abou Houdeyfa se fait le chantre.
Pourtant, à l’entendre, on se dit qu’il en devine les contours, mais préfère s’enfermer dans sa condamnation, jouant la carte de l’establishment, de la structure, du maintien du pouvoir de certains clercs sur des masses qu’ils abrutissent de discours simplistes. En effet, parlant des « réformateurs », il lance qu’ils ne seraient même pas soutenus par des savants connus, ou encore qu’ils ne seraient même pas ‘âlim, ou mujtahid muqayyad, ou mujtahid mutlaq. Ce faisant, il démontre surtout qu’il se fait le porte-parole d’une caste qui veut préserver son pouvoir en profitant pleinement de leur investissement personnel à « maîtriser » une méthodologie très particulière d’accès au texte et des privilèges matériels et symboliques qui en découlent. Si demain, l’approche salafiste devait être mise « hors-service » par la réforme en gestation, ce qui arrivera inéluctablement, ils seront « sur la paille » s’ils n’accomplissent pas le « bond quantique » que cela va impliquer pour eux.
Comme quoi, derrière le discours anti-réforme, il y a également des enjeux de pouvoir, y compris géostratégiques, très, très, humains.
Où la parole de Dieu (naql) est une fois de plus détournée sous prétexte de la respecter.
A ce titre, les réformateurs, travaillant sur nazar et non sur le khabar, démontrent bien plus de respect de la Parole que ceux qui prétendent en être les porte-paroles exclusifs.
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Le voile n’a rien de sacré, il n’y a aucun texte qui oblige la femme à se couvrir la chevelure

Par Maya Zammit – «Je n’ai trouvé aucun texte qui oblige la femme à se couvrir la chevelure. Le combat que les musulmans ont mené pour le port du voile me désole, parce qu’il donne une image négative de la façon dont l’islam perçoit la femme», a déclaré Tareq Oubrou, imam de Bordeaux, dans une interview accordée àL’Express. Religieux érudit, cet imam français d’origine marocaine, prône un islam moins «tape-à-l’œil» et appelle à un ajustement des pratiques rituelles avec les réalités de la société.

L’imam Tareq Oubrou s’insurge : «Le hijab n’a rien de sacré» - Crédit photo © Shutterstock.com

L’imam Tareq Oubrou s’insurge : «Le hijab n’a rien de sacré» – Crédit photo © Jolpress/Shutterstock.com

«Cette tendance à tout ritualiser conduit certains fidèles à parler plus de la pratique que de Dieu lui-même», regrette-t-il. Ce fils d’instituteur marocain, élevé aux confluents de la tradition musulmane et de la modernité occidentale, n’hésite pas à s’en prendre aux «ignares qui déterminent aujourd’hui ce qui est orthodoxe». Auteur du livreUn imam en colère, Oubrou dénonce vivement «l’islam d’apparence», affirmant que le plus important n’est ni le look ni la tenue vestimentaire, mais plutôt la foi. «On est musulman lorsqu’on a la foi ; c’est la grâce de Dieu qui sauve.

Le voile n’est pas spécifiquement musulman : il l’est devenu. Presque absente du Coran, c’est une prescription construite progressivement, au terme d’une histoire dont l’épisode colonial est un chapitre majeur. Si le port du voile nous choque, c’est moins en raison de l’outrage fait aux femmes ou de l’entorse à la laïcité que parce qu’il bouleverse un ordre visuel fondé sur la transparence, et lui oppose un provocant plaidoyer pour l’opaque, le caché, le secret, l’obscur.
Et pour les musulmanes qui se voilent en Occident, n’est-ce pas un jeu de dupes, une impiété nichée au cœur d’une intention religieuse ? Car en montrant qu’elles se cachent, elles cachent en réalité qu’elles se montrent ? Scrutant tour à tour la lettre du Coran, le voyeurisme de l’art orientaliste, les dévoilements spectaculaires orchestrés en Turquie ou au Maghreb, Bruno Nassim Aboudrar délivre une lecture inédite des stratégies à l’œuvre derrière le voile. Bruno-Nassim Aboudrar – Jolpress

Les pratiques cultuelles, elles, sont aménageables», martèle-t-il, estimant que l’islam est «une religion qui évolue avec l’évolution de la société». Il considère, à titre indicatif, que les prières peuvent être effectuées après le travail et que le jeûne du Ramadhan peut être reporté en cas de maladie. Pour lui, l’islam se trouve confronté à un vrai problème, celui des comportements qui relèvent de l’éthique personnelle et qui sont devenus des marqueurs pour beaucoup de musulmans : manger halal, porter le voile, etc. «Avec le halal, nous ne sommes pas dans le sacré. Le fidèle a seulement pour obligation d’alléger au maximum la souffrance de l’animal», explique-t-il. Il assure en bon théologien que le hijab et ses dérivés (niqab, foulard, burqa…) n’ont absolument rien de sacré.

Tareq Oubrou appelle les musulmans à ne pas confondre religion et identité. Il demande aux musulmans de renoncer «à une certaine visibilité» pour redorer leur blason. «Il faut que les musulmans puissent accorder leurs gestes à leur foi sans perturber le fonctionnement de la société par des revendications outrancières, quitte à renoncer à une certaine visibilité», estime cet imam qui a mené une vaste réflexion théologico-canonique sur les conditions de l’expression et de la pratique musulmane dans un espace sécularisé.

Extraits de Comment le voile est devenu musulman de Bruno-Nassim Aboudrar (Flammarion – mars 2014)

Il est certain que le voile musulman n’a qu’une place très mineure dans la révélation. Il se peut que Muhammad ne l’ait pas voulu et que les circonstances seules aient suggéré le verset qui en prescrit l’usage aux musulmanes. Il n’est guère douteux non plus que le fiqh soit une juridiction patriarcale tardive, parfois éloignée de l’esprit du Coran et partiale dans le choix de sa lettre. La nouvelle exégèse « féministe » musulmane serait entièrement convaincante si elle avait convaincu et que ses positions étaient aujourd’hui majoritaires. Mais le moins qu’on puisse dire est que ce n’est pas le cas. Le voile résiste dans l’islam contemporain avec le patriarcat, et même sans lui. «Jolpress»

 

 

 

 

Par Maya Zammit avec France Algerie.com

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